Block-buster de la danse classique, maintes fois revisité, le « Casse-Noisette » hip hop de Blanca Li a diffusé une énergie joyeuse et communicative, la semaine dernière au Corum de Montpellier.
Il y a des enfants qui dansent, des souris qui se moquent des chasseurs, et des flocons qui tombent. Et il y a surtout : un casse-noisette ! Sans oublier ces musiques si célèbres qu’on en oublie presque qu’elles sont tirées du célèbre ballet de Tchaïkovski. C’est vrai qu’à force de les entendre dans des spots publicitaires, on finirait par croire que certains morceaux ont été composés pour des marques de pâtes.
On rappelle donc que le ballet “Casse-Noisette“, créé en 1892 à Saint-Pétersbourg, est à l’origine une adaptation d’un vieux conte de Hoffmann, repris par Alexandre Dumas, et mis en musique par le compositeur russe. C’est le non moins réputé Marius Petipa qui en signait la chorégraphie. Illustres noms, artistes renommés, dont la mise en commun des talents a débouché sur l’un des plus célèbres ballets au monde. Décrit généralement comme un ballet magique, féerique, il est vrai que ses tableaux ont quelque chose d’enchanteur, une légèreté poétique. Le spectateur est ici transporté dans le monde de l’enfance, des rêves, et du jeu, sous l’égide d’un immense casse-noisette comme on en fait plus.
Comme tant d’autre grands classiques avant lui, « Casse-Noisette » n’est pas le premier à être revisité, mis au goût du jour par des chorégraphes contemporains. Depuis presque 130 ans, « Casse-Noisette » est passé entre les mains de différents chorégraphes qui lui ont tour à tour insufflé leur propre vision. Explosif et divertissant pour George Balanchine, plus romantique en 1971 chez John Neumeier, il prend une tournure presque psychanalytique lorsque Rudolf Noureev… jusqu’au somptueux “Casse-Noisette » de Sidi Larbi Cherkaoui à l’Opéra de Paris. Cela n’en reste pas moins un défi, une tentation pour des artistes contemporains. Entre faut-il trouver le juste équilibre entre éléments initiaux et dépoussiérage justifié.
La chorégraphe espagnole ultra-consacrée, vivant en France depuis trente ans, vue souvent au cinéma, et à la tête d’un répertoire à l’éclectisme explosif, a créé cette pièce pour 8 danseurs madrilènes à Suresnes Cités Danse en février 2022. Elle zappe la fameuse histoire d’un dîner de Noël où Clara reçoit de son oncle un casse-noisette en forme de soldat de bois, la remplaçant par les préparatifs d’un réveillon entre jeunes. Et le casse-noisette est devenu un robot télécommandé.
Une variation libre qui suscite l’adhésion. En témoignent les applaudissements enthousiastes entre plusieurs tableaux. Si le premier tableau peut paraître assez long, le hip hop devient rapidement vecteur de cette gaieté un peu folle, insouciante, qui donne envie de sauter dans les flaques à pieds joints. Il y a quelque chose de généreusement enfantin dans cette version du célèbre ballet russe; d’ailleurs, on sent que les danseurs de Bianca Li s’en donnent à cœur joie.
Troupe aux personnalités marquées et hétéroclites, ils n’en forment pas moins une équipe complice, autour d’un casse-noisette en mode poping (avec des gestes mécanisés liés à un jeu de contractions musculaires) et d’une Clara malicieuse. Si Bianca Li remplace plusieurs pièces de musique du ballet original par des morceaux contemporain -hip hop, groove, et autres rythmes dansants-, elle a su garder celles des compositions de Tchaïkovski qui ont marqué notre éducation musicale. “La Valse des flocons de neige“, avec laquelle se termine cette version ultra moderne du “Casse-Noisette“, en est un joli exemple. Patinant sous une pluie de flocons blancs, les danseurs terminent sur une scène délicieusement inattendue, dans ce vénérable Corum.
Beaucoup d’humour, aussi, dans cette mise en scène absolument réjouissante, on sent à chaque instant le plaisir pris par les danseurs. D’ailleurs, leur énergie contagieuse a plusieurs fois déclenché de jolis rires, dans la salle. Mention spéciale au décor, tout en carton et en jeux de lumière, que Blanca Li signe aussi aux côtés de Jean-Baptiste Carcopino. Un décor lui aussi ludique, parfois drôle, souvent magique, plein d’astuces et d’idées aussi grandioses qu’elles paraissent simples. Jubilatoire !