Pour sa 11ème édition, La Galerie Ephémère s’est tenue du 3 au 5 février aux Salines de Villeneuve-lès-Maguelone, sur l’ancien site industriel salinier abritant une zone humide de 300 hectares. Un cas unique d’alliance entre art et nature qui attire chaque année une foule impressionnante.
Chaque année, une quinzaine d’artistes 100% régionaux sont accueilli.es en résidence pour ensuite proposer une exposition éphémère au grand public, sur le site naturel protégé labellisé Natura 2000, à l’occasion des journées mondiales des zones humides. Cet événement est orchestré par Olivier Scher, Cahuate Milk, Aline Riou à la direction artistique et porté par le Conservatoire d’espaces naturels d’Occitanie (*).
Cette manifestation hybride a pour ambition de provoquer la rencontre des amoureu.x.ses de la Nature et des amateur.s.rices d’Art. Et c’est réussi. Comme chaque année, l’engouement est au rendez-vous pour cet évènement gratuit, éco-responsable avec ateliers de sensibilisation, balades naturalistes, toilettes sèches et buvette 100% bio, sans compter l’équipe de joyeux.ses bénévoles qui rendent cette journée d’autant plus ensoleillée.
Une expérience hors du temps
On arrive au milieu des étangs, le soleil tape comme au printemps, on pose les doudounes et on prend ses tickets pour la buvette, l’heure de s’hydrater et de goûter leur sandwich végé. On prend un peu la poussière mais rien n’entame le plaisir d’être au bord de l’eau à regarder le vent faire onduler la maison des oiseaux. On les observe face à nous et puis la flore si particulière toute en texture avec la Soude de bord de lagune ou la lavande des mers. Tout est paisible, l’atmosphère de ce lieu nous suspend dans le temps et l’espace.
La musique de la nature se suffit à elle-même. Seule l’emportera pour une danse délicieuse la performance du groupe GENRE GENRE. Masqué.es de plâtres en têtes d’oiseaux ou d’ovni.es, pour mieux révéler leur humanité par les mots, leurs corps se feront l’incarnation de leur poésie sonore (photo à la UNE). C’est la révolte d’une Virginia Woolf ou d’une Monique Wittig, d’une chambre à soi et d’un corps lesbien. C’est l’iconique Poème de Catherine Pozzi dont la douceur amoureuse vient encourager leurs propres mots, pour exister, pour se dire, pour se raconter, dans la non-binarité. Une ode à se rassembler et même une invitation à danser la ronde de l’espoir.
Les larmes coulent, le cercle se fait plus dense à mesure que nos corps ensoleillés reçoivent leurs paroles déployées. Les GENRE GENRE sont des êtres contempleur.euses selon leurs dires qui apparaissent au monde lorsque l’équilibre est ébranlé. Leur simple présence ramène les êtres sensibles au corps, à ressentir le beau partout, dans quiconque, au-delà de l’enveloppe charnelle.
14 artistes dans la maison du saunier
L’exposition de cette année invitait 14 artistes, pour décorer la maison du saunier d’illustrations, de photographies, de graff, de sculptures et de peintures sur le thème de la protection de la nature. Et c’est dans cette visite labyrinthique, l’ascenseur des sensations, d’une salle des Furtifs de Léa Delescluse (photo) qui nous plonge dans un havre de paix peuplé d’animaux et de végétaux salés. À plusieurs reprises on se sentira sous le niveau de la mer, jusqu’à affronter l’angoisse de la surpêche et de la surconsommation avec l’inquiétante étrangeté de l’installation d’ICSTAY.
Puis on passe du rire aux larmes, à confondre une carcasse d’alligator avec une cigale dans l’installation aux mystérieuses créatures de Rachel Weasel Fisher. Parfois, on tâche de s’accrocher aux images à mesure que cette maison nous transporte dans ses univers oniriques, nous fait perdre nos repères, arriver jusqu’à l’espace des souvenirs : la radio est allumée, Edith Piaf ? Se souvenir aussi de l’espace du dehors et regarder par la fenêtre par-delà les rideaux troués de cette vieille maison abandonnée. Lilou ADF (ci-dessous) nous fait d’ailleurs pénétrer le squat abandonné d’un être ayant perdu tout espoir et finit par s’en aller. C’est doux comme le plafond nuage et torturé comme ces coulures vertes à la fois. Comme c’est bouleversant de se retrouver parmi les traces d’un passé qu’on a préféré laisser derrière soi.
Une salle redonne de la joie avec les œuvres de Nazu et les toilettes colorées c’est dire comme ça touche nos cordes sensibles et comme nous redevenons des enfants dans cette maison enchantée. Même la cage d’escalier est habitée des merveilleux oiseaux bleus et poissons rouges de Nadège Feron, mon coup de cœur de cette édition. Celle-là même qui nous fait passer la porte des sorcières, protectrices de la nature, pour sceller notre engagement. Et puis la rage en rouge des graffeur.ses donne envie de s’élever contre l’injustice, contre les fléaux humains sur la mère nature. Celle pour qui l’on a construit un mausolée dans la dernière salle ; un instant pour se recueillir dans l’installation immersive et participative d’Elise Ortiou Campion (photo).
C’est un long voyage qui a semblé durer une éternité à quelques kilomètres à peine du chaos citadin. Un art qui convoque, invoque, choque et remet de la connaissance et de la conscience. L’art devrait toujours ressembler à la Galerie Éphémère.
Le site de la Galerie éphémère, ici. Photos Clara Mure. Photo à la UNE : Seda Bilal.
(*) en partenariat avec Montpellier Méditerranée Métropole, la commune de Villeneuve-lès-Maguelone, le CPIE Bassin de Thau et Sète Agglopôle Méditerranée.