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Mohamed Ali, Maurice Pialat et Nico sur le ring

La metteure en scène montpelliéraine Valentine Carette expérimente, avec des comédien.nes amateur.es, un théâtre de fragmentation et de déchirures. Audacieux. À voir encore ce vendredi 10 mars au Théâtre de la Vignette.

 

Ils sont six interprètes (*). Au début de la pièce « L’hypothèse de la foudre », celles-ci et ceux-ci n’effectuent leur entrée en scènes qu’à tour de rôle. À chacun.e son point d’entrée, chacun.e sa trajectoire, chacun.e sa suspension physique, puis à chacun.e son mouvement de chute vers un appui au sol ou contre un mur. Après quoi, il faudra donc se relever, se redresser. Corps et âme. Faire face. Et un ensemble disparate se joue et se rejoue alors ; se compose. C’est très chorégraphique.

Si on insiste sur cette seule première séquence introductive, c’est qu’elle donne le la d’une heure trente d’actions et de propos composites, kaléidoscopiques, selon une trame constamment à faire, toujours défaite et refaite. À propos de l’art de Valentine Carette, metteure en scène montpelliéraine, la feuille de salle nous parle d’un « plateau hétérogène ». C’est exactement ça. De façon plus détaillée, sont évoquées « des dramaturgies hybrides qui se revendiquent du collage, du montage ou du ‘frictionnage’ entre écritures musicales, chorégraphiques et théâtrales ».

Toute la pièce se perçoit comme une imbrication savamment accidentée de forces, de plans et de volumes, qui osent l’instabilité d’une mouvance cassante, dans une virevolte des présences, des statuts, des rôles momentanément endossés. En découvrant cette construction audacieuse ce mercredi 8 mars, soirée de première de création, on a pressenti quelle puissance pourrait s’en dégager, même si le rythme à cet effet n’en avait pas encore été trouvé, de toute évidence.

L’instabilité harponne déjà la construction du texte. En effet, celui-ci emprunte et adapte des extraits à pas moins de trois romans différents (du même auteur Alban Lefranc). Ces romans tissent les « vies imaginaires » de figures néanmoins clairement désignées. Ce sont des grandes figures incommodes de la culture populaire et/ou underground des décennies écoulées : Mohamed Ali, le boxeur, sous son versant africain-américain révolté dans le contexte de la lutte pour les droits civiques. Puis Nico, se battant, avec la rage du désarroi, contre sa réduction en simple icône décorative du Velvet et de Wharol. Enfin le cinéaste Maurice Pialat, tumultueux face aux logiques professionnelles de la profession.

On a bien parlé de romans. Non de textes dramatiques. Il en découle une intrication des niveaux d’écriture et d’adresse. Sur le plateau, six comédien.nes et un musicien vont tour à tour être des narrateurs de récits, ou récepteurs à l’écoute de ces récits, mais encore les performeur.ses des situations, les incarnations des figures qui y sont mises en jeu ; ou bien tendre encore vers le choeur et sa charge de commentaires. Dans l’ensemble on les ressent comme protagonistes d’une époque historique, acteur.ices aussi bien qu’observateur.ices, des ses élans, de ses émois, de ses représentations.

De ces témoins impliqués, les spectateur.ices sont à leur tour placé.es en situations de témoins. Ce jeu est très troublant, qui imbrique, encastre, superpose, confond les statuts, les positions, les projections. Il en va aussi d’un travail gestuel très attentif, de circulations vocales sonorisées ou pas, de soudaine et vives incrustations de situations plus typiquement théâtrales, de musique et de chants (remarquables). Sans oublier les lumières.

D’un abord forcément inconfortable, tout sauf lisse ou conventionnel, il ne nous a pas été aisé de dégager un sens absolument saillant dans ce propos délibérément éclaté. À cet égard, il semble fort pertinent que cinq des comédien.nes soient amateur.ices (ou encore en phase d’apprentissage), cela se traduisant par une grande disparité dans la texture de jeux. Cette distribution atypique est issue des ateliers de pratique théâtrale qu’entretient la Vignette. C’est une occasion supplémentaire d’apprécier la singularité de cette salle installée en plein campus universitaire, où elle a, entre autre, pleinement relevé le défi d’un rajeunissement réjouissant du public.

Nul doute que la poétique de « L’hypothèse de la foudre » puise son souffle à une certaine mythologie admirative des figures de la colère dans un autre temps, même proche. Celles qu’elle expose relèvent d’une forme de passé contemporain. Dans la période actuelle, où cherchent toujours, si difficilement, à cristalliser de nouvelles radicalités, on a pu sentir que la fragilité de la pièce résonnait finalement avec bien de la vérité dans sa propre époque. Rude au sens.

 

(*) Laurie Bellanca, Assimini Binali, Aude Boudet,  Anghjula-Maria Casanova, Lavinia Marziale,  Anton Mazas et  Frank Williams.

 

Ce soir et demain 10 mars à La Vignette.

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Murciabota
Murciabota
1 année il y a

Beau texte, aux éclats !

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