Nina Faure : « La révolution féministe ne fait que monter en puissance »

LOKKO a rencontré Nina Faure, documentariste et co-autrice du manuel féministe « Notre corps, Nous-mêmes » à l’occasion de l’avant-première de son documentaire « We are coming », chronique d’une révolution féministe. Un film rare, à la croisée de l’intime et du social, qui se veut témoin d’une époque où les questions de corps, de sexualité et de genre sont devenues primordiales. Avant-première ce 20 mars au Diagonal dans le cadre du Rainbow Screen Festival, en salles le 22 mars (*).

 

« Ce film a pris une telle ampleur »

LOKKO : Tout a commencé en 2013 lorsque toi, Nina Faure, et ton amie Yéléna Perret, avez pris conscience de l’inégalité entre les sexes au sein de notre société, notamment vis-à-vis de l’accès au plaisir (et de la connaissance de notre anatomie sexuelle). Comment vous êtes-vous lancées dans cette quête intime et universelle ?

NINA FAURE : En 2013, on découvre l’anatomie du clitoris mais ça fait plusieurs années qu’on est féministes. Avec les amies avec lesquelles on co-habitait pendant nos études, on menait déjà ces réflexions sur les questions de corps, de genre, de sexualité. Un jour, au détour d’une vidéo en ligne, je suis tombée sur Odile Buisson (gynécologue et obstétricienne, ndlr) qui expliquait l’anatomie du clitoris, ça a été un choc et en même temps une révélation sur le niveau de méconnaissance du corps dans une société qui prétendait que l’égalité des droits entre les sexes était déjà là. C’était un symbole de cet écart gigantesque. Ça a été le point de départ de ce film là-dessus mais je ne m’attendais pas du tout à ce qu’il prenne une telle ampleur, en documentant la montée en puissance d’un mouvement féministe, qui, à l’époque, n’était pas encore sur le devant de la scène. 

 

« On a redécouvert les féministes des années 70 »

Lors de l’avant-première de « We are coming », au Cinemed en octobre dernier, devant des militant.es féministes, on sentait que la bataille pour l’égalité commençait dès le langage inclusif mais on comprenait aussi que la lutte s’était située dès le début au niveau financier : comment ça s’est passé pour ce film, est-ce que ça a été difficile ?

J’ai l’impression qu’un des moteurs pour faire ce film et aussi pour faire « Notre corps, Nous-mêmes », (ndlr : édition entièrement réécrite du manuel féministe historique des années 1970), c’était de poser des jalons dans l’histoire sociale, de raconter le monde depuis ce point de vue de l’histoire féministe qui malheureusement se perd de générations en générations. On a redécouvert des choses que les féministes avaient faites dans les années 70 qui nous ont beaucoup intéressées, surprises, enthousiasmées. C’est là que ça rejoint la question financière. Car qui décide des œuvres financées, de comment elles sont portées à la connaissance des institutions et comment elles sont légitimées ? À partir du moment où on apporte des œuvres féministes, on affronte des formes de censure financière. Dans les commissions de financement, ne serait-ce que du cinéma, ces propos ne passent pas. Nous par exemple, on commence la tournée de « We are coming » dans le rouge, parce qu’on n’a pas eu le financement du Centre national du cinéma sur ce film. Les arguments entendus dans les commissions c’était : « pourquoi il n’y a pas d’hommes dans le film ? » ou « c’est pas du cinéma », ou encore « à vous entendre on croirait qu’on est dans une société phallocentrée… » Il y a une forme d’inconscience dans ces commissions par rapport à l’état des inégalités femmes-hommes. Ça rend les points de vue féministes difficiles à porter socialement…

On a donc fait un financement participatif, avec le soutien de la Région Occitanie plus une co-production en Belgique. Il reste encore un tiers de financement manquant. Ça n’est pas normal que dans la période actuelle, avec le travail de terrain réalisé et les retours enthousiastes partout, ce film-là ne soit pas financé par le CNC. Il y a une telle nécessité que ces récits existent, et qu’existe aussi une documentation historique rare et précieuse, vu l’histoire du cinéma et la faible représentation des femmes et des réalisatrices. On devrait mettre en place des mesures compensatoires pour les dommages subis par les femmes victimes des représentations sexistes du cinéma.

Notre parcours en tant que réalisateur.rice est précaire. On n’est pas payé.es durant les projections de nos films. Faire ça pendant quatre mois, c’est pas ou peu de salaire. On a apprécié  un dispositif comme La salle d’à côté en Occitanie qui soutient la tournée et également, les spectateur.rices qui laissent quelques euros en échange de quelques goodies pour soutenir tout ce travail. C’est ce qui fait qu’on peut durer mais je ne me plains vraiment pas…

 

« Un plan d’attaque pour abolir le patriarcat »

Ce documentaire est avant tout l’histoire de rencontres avec des sociologues, des enseignant.esdes éducateur.rices mais aussi avec les écrivain.es et théoricien.nes lesbiennes de ces révolutions. Qui sont ces personnes, tant celles des livres que celles du terrain ?

Le film montre que cette montée en puissance du féminisme ne s’arrêtera jamais. On a commencé à quelques-unes puis les rencontres de nombreuses femmes qui voulaient participer à nos groupes de parole, alimentaient le livre, et en même temps, on cherchait des nouveaux fonds théoriques et on rencontrait des sociologues… On est beaucoup à avoir fait ce parcours-là, à avoir eu besoin de s’alimenter intellectuellement, de comprendre ce qui se passait, de remettre à plat le discours dominant qui était de dire : « c’est bon, c’est fait, c’est gagné, arrêtez d’intervenir là-dessus ! ». Tout ce cheminement mental visait à documenter l’état à la fois des inégalités mais aussi du niveau de combativité des femmes et minorités de genre qui sont en train d’essayer de gagner du terrain face à un patriarcat qui nous écrase au quotidien.

Ce parcours s’est transformé en plan d’attaque pour abolir le patriarcat. Les théoriciennes lesbiennes telles que Monique Wittig expliquent comment l’hétérosexualité est surtout un système d’exploitation, et comment le foyer hétérosexuel est le lieu de cette exploitation domestique des femmes. Ça nous a aidé à poser des mots sur nos problèmes et à comprendre cette exploitation sociale organisée collectivement. Ces théories-là, invisibilisées, reviennent comme une revendication prioritaire aujourd’hui.

 

« L’affirmation de ma bisexualité a été une grande libération »

À l’instar de Juliet Drouar dans son manifeste pour une société égalitaire « Sortir de l’hétérosexualité », quelle a été ton évolution sur la question de la déconstruction des stéréotypes de genre et de l’hétéronormativité ?

La question n’est pas de savoir si on peut être hétérosexuelle et féministe. Pour moi, n’importe quelle femme ou minorité de genre peut être féministe, il n’y a pas de barrière à l’entrée. Le féminisme, c’est avant tout un positionnement politique. J’ai vécu une révolution personnelle, très intime, qui m’a fait prendre conscience de ma bisexualité. Même si j’étais en couple avec un homme, je suis BI depuis très longtemps. Les co-autrices du livre m’ont fait prendre conscience de ce B (pour les personnes bisexuelles) dans LGBTQ, d’enfin en prendre conscience alors que j’avais des histoires depuis mon adolescence avec des hommes et des femmes. C’est le principe de l’hétéronormativité : présenter tellement l’hétérosexualité comme une norme qu’on ne peut pas s’en extraire et s’envisager ou se représenter en dehors de cette norme, pour beaucoup. L’affirmation de ma bisexualité a été une grande libération. En fait, j’étais sortie de l’hétérosexualité sans le savoir. Pour sortir du système hétéro-sexiste normatif, j’encourage à valoriser ses relations avec des femmes, même les amitiés fortes. Les prioriser dans ma vie, c’est devenu une source d’émancipation réelle !

Au fil des rencontres et manifestations, auprès d’une jeune communauté queer aussi, qu’avez-vous appris de cette nouvelle génération qui, selon vous « politise les enjeux autour du corps, de la sexualité et des rapports de genre » ?

Franchement, je n’ai pas de réflexion générationnelle là-dessus car les théories queer de cette jeune génération, on les partageait déjà dans les années 2000. Elles m’ont aussi bâtie intellectuellement. Je ne suis pas d’accord avec l’idée que les trentenaires seraient différentes des autres générations, même si leurs expériences sont différentes. Je ne suis pas pour réaffirmer des frontières parce que ça affirme aussi l’idée qu’il y aurait forcément chez les femmes plus âgées un universalisme ou une méconnaissance des luttes lesbiennes, alors qu’elles ont souvent fait plein de choses.

C’est plutôt le positionnement politique des gens qui m’intéresse et leurs références théoriques ainsi que leurs pratiques. Ce qui a été chouette dans le film, c’était à la fois d’intégrer les théories queer et d’essayer d’assouplir les frontières du genre, de réduire cette notion de différence sexuelle et en même temps de valoriser les théories féministes matérialistes. Le socle théorique du film, c’est aussi le « matérialisme queer » en fait.

Pour le dire simplement, c’est à la fois de réfléchir à l’organisation genrée de la société qui nous assigne à des rôles caricaturaux. C’est essayer de s’émanciper des carcans du genre masculin/féminin, les remettre en question. Mais aussi associer ça à un mouvement collectif de remise en question de l’exploitation des femmes par les hommes (en termes de salaires, de droits, de travail domestique). On doit pouvoir travailler à réduire et détruire ces frontières du genre et aussi ce système d’exploitation d’hétérosexualité comme organisation politique.

 

« Dans les réunions non-mixtes, je n’étais pas la même personne »

Vos groupes de paroles étaient en no- mixité, excluant les hommes cisgenres (ndlr : cisgenre se dit d’une personne dont l’identité de genre est en accord avec le sexe assigné à la naissance). Tu dis qu’il s’agissait d’une « stratégie politique pour aller plus vite ». C’est-à-dire ?

Tout ça s’est construit en même temps que les luttes féministes. Moi au départ la mixité choisie ou non mixité, c’est-à-dire se réunir sans hommes cisgenres pour parler de féminisme, je n’étais pas pour. Je ne voyais pas l’intérêt de faire ça. Puis, j’ai découvert lors d’une réunion en non-mixité que je n’étais pas la même personne : je parlais différemment, j’avais moins peur, j’étais plus confiante et ça m’a profondément transformée de l’intérieur, ainsi que beaucoup de personnes ayant participé à ces groupes. Ça nous a mis sur des nouvelles voies car jusqu’alors on regardait toujours nos expériences via le regard masculin qu’on projetait. Là, on s’autorisait à avoir une nouvelle expérience sensible du monde et à poser de nouvelles priorités : typiquement, demander à des organisations politiques de ne pas laisser impunis les auteurs de violences sexuelles. Avec #MeToo, ça a été exactement ça aussi : ne plus tolérer cette violence…

Alors qu’on vous voit dans le film défiler lors de la marche radicale de nuit à Paris auprès du collectif de femmes trans contre les féminicides, comment éviter de reproduire les mécanismes d’exclusion et d’oppression dans les espaces de luttes ?

Dans le film, les femmes trans sont en tête de cortège pour dénoncer les féminicides que beaucoup d’entre elles subissent. Après on ne fait pas un manuel de l’abolition du genre mais on récolte ces témoignages (de femmes trans, de femmes cis, d’hommes trans, de personnes non binaires) pour trouver des stratégies communes pour se renforcer face à un système qui nous écrase. Cette construction d’un mouvement d’émancipation passe par nos alliances et la non-reproduction des violences sexistes, transphobes, racistes et de classe entre nous en priorité. 

 
« Convaincre les hommes réticents n’était plus une priorité »

On sent un fort ré-empouvoirement dans le film !

Complètement ! Ça a créé des dynamiques collectives très fortes et beaucoup de liens de confiance qui nous manquaient. C’est pour ça, qu’à un moment, on est plusieurs à avoir basculé. Convaincre les hommes réticents n’était plus une priorité. Moi, je perdrais mon temps à faire ça et j’ai décidé de mettre mon énergie à renforcer les femmes et les minorités de genre autour de moi, à créer des liens solides, à se soutenir. On va beaucoup plus vite comme ça. Je dis souvent en rigolant que si des hommes veulent que je leur transmette des choses ou me poser des questions, ils sont bienvenus, mais si c’est pour avoir l’impression de débattre ou de me convaincre du contraire, je n’en vois pas l’intérêt. On est toutes devenues des spécialistes des questions féministes de genre. On a une vraie expertise là-dessus !

Le documentaire « We are coming » est filmé en cinéma direct. Il avait donc pour vocation d’être le témoin d’une époque et d’un cheminement intellectuel et personnel. En près d’une décennie, de quelle révolution féministe a-t-il été témoin ?

 De toute façon, si le programme qu’on a mis en place fonctionne, les mouvements féministes, anti-racistes et anticapitalistes vont s’allier pour mettre à bas le patriarcat et le capitalisme et les systèmes de domination raciste et ainsi sauver le monde !

Depuis le manuel féministe d’origine « Notre corps, Nous-mêmes » dans les années 70, qu’est-ce qui a changé ?

C’est une sacrée leçon. Alors qu’un discours disait que tout ça était dépassé, on a vu que tout ce que les féministes de l’époque avaient récolté s’avérait d’une criante actualité ! Notamment sur la sexualité : nos premiers groupes de paroles reproduisaient presque mot pour mot ce qui était sorti des groupes de paroles des années 70. Les femmes au service du plaisir des hommes, elles en parlaient déjà. Même s’il y a aujourd’hui beaucoup de contre-récits qui sont produits, de livres qui sortent et toute une génération qui remet ça en question, dans le vécu majoritaire des femmes hétérosexuelles c’est encore extrêmement présent…

En 2018, tu réalisais « Paye ton gynéco » sur les violences gynécologiques et obstétricales juste avant le mouvement #MeToo. Peux-tu nous parler de ce continuum des violences ? 

Tout est lié en fait. Pour l’histoire du film, dans les groupes de parole sur la sexualité, on nous a parlé du fait qu’il y avait beaucoup de violences dans la sphère gynécologique, notamment en termes d’injonction pénétrative, même si on a mal. C’est une autorisation d’une violence sexuelle super grave. Revalider le point de vue masculin qui prétend y avoir droit, c’est dans la continuité de la logique du viol conjugal qui a été autorisé par la code civil, et qui se pratiquait avant. On n’en est pas vraiment sorti.es. Dans les représentations collectives, la sexualité est un dû pour les hommes. 

Il y a eu ce mouvement #PayeTonUtérus avec des milliers de témoignages sur les réseaux sociaux, qui a préfiguré #MeToo en France. L’idée est de produire le plus d’outils possibles qui nous soient utiles et qui nous renforcent : des courts métrages, un film, un livre. Qu’on soit énormément à le faire en même temps construit notre rapport de force aussi.

 

« La lutte féministe marche avec la lutte anticapitaliste et antiraciste »

Tu interviens à l’université Paul Valéry en tant qu’enseignante avec ton cours « Sexe, race et classe au cinéma » et tu collabores depuis 2009 avec Pierre Carles sur des projets dénonçant les mécanismes du pouvoir. Toujours attachée à dénoncer le travail précaire, tu as réalisé de nombreux courts-métrages sur le sujet notamment « Dans la boît » et « Rien à foutre ». Peux-tu nous parler de ce féminisme intersectionnel que tu défends. En quoi les idées de gauche et le féminisme sont liées au sein de ce système à l’œuvre ?

Dans mes travaux, j’essaie de lier les différents systèmes de domination parce qu’ils sont à la fois imbriqués, interdépendants. La lutte féministe marche avec la lutte anticapitaliste et antiraciste. Le capitalisme a été construit par des hommes blancs bourgeois, dont beaucoup sont des colonisateurs, et les conséquences de ce système, c’est la destruction du monde dans lequel on vit.

Il est temps que ce soit compris comme des alliances possibles car tout ça s’articule avec la lutte des classes. On le voit bien dans la lutte contre la réforme des retraites. Les plus précaires dans ce pays sont les femmes non blanches, c’est important de le poser. De la même façon que les personnes les plus antiféministes et racistes se trouvent à l’extrême droite.

Dans le film, dans le livre ou dans le cours « Sexe, race et classe » que je donne à Paul Va, je montre comment ces systèmes de domination s’imbriquent, se croisent et se renforcent. L’idéal, c’est de penser nos luttes d’émancipation en croisant ces choses-là, combinées aussi avec pleins d’autres formes de domination comme l’hétérosexisme, la grossophobie, le validisme, etc. L’idée c’est toujours d’être du côté des dominé.es et de penser les luttes depuis leur point de vue.

 

« Faire la grève domestique, déserter les foyers »

« We are coming » comme « projet simple et radical d’abolir le patriarcat », ça sonne comme une menace ou une promesse. Et pourtant, tu dis que cette révolution peut sortir des mécanismes virils de la violence. Un paradoxe ?

C’est la question de l’usage de la violence comme outil politique face à un système oppressif. Une des pistes d’action violente, c’est de refuser l’assignation au travail reproductif, au travail émotionnel, refuser la charge mentale et s’organiser pour faire cette grève-là pour paralyser aussi l’économie capitaliste. Arrêter de s’occuper d’eux : faire la grève domestique, déserter les foyers, en organisant des gardes d’enfants collectives pendant cette période, en faisant la grève du soin. Mon amie Yéléna dirait que si on arrive à faire une grève générale féministe du travail reproductif, on fera alors tomber la bourse !

Dernière question Nina Faure : à l’heure où tu enchaînes les projections durant la tournée auto-financée, et après plus d’une quinzaine d’années de films engagés, comment tu fais pour lutter contre l’épuisement militant ? Où trouves-tu ta force ?

Je pense que ma force, je la puise dans toutes ces personnes merveilleuses qui m’entourent : toutes ces femmes qui luttent, ces hommes et femmes trans, ces personnes non binaires qui soutiennent, comprennent, bougent en même temps que moi. Dans tous ces mouvements collectifs, dans toutes ces manifestations, j’ai l’impression qu’il y a beaucoup d’espoir et de victoires dans une période politiquement inquiétante ou déprimante. C’est ça qui nous porte. Aussi la conviction qu’on a bientôt gagné, et que c’est un dernier tour de collier avant la victoire finale ! 

 

Photos @We are coming.

(*) Du lundi 20 au dimanche 26 mars, le Rainbow Screen Festival, festival de cinéma queer (dont une première édition avait eu lieu en 2019 à Montpellier sous le nom de Festiv’all en partenariat avec l’association Fierté Montpellier Pride) propose films, court-métrages, conférences et une exposition dans plusieurs lieux montpelliérains. En savoir +, ici

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