Le comédien montpelliérain Bruno Paternot, par ailleurs conseiller municipal écologiste à Montpellier, donne à entendre l’écriture éblouissante de Marcelle Delpastre, grande poète de langue occitane, restée toute sa vie fermière en Limousin.
Il n’est pas si simple d’écrire sur Chauffe Marcelle !, la nouvelle pièce du comédien montpelliérain -et homme de théâtre plus généralement- Bruno Paternot. Ce n’est pas que cette réalisation soit terriblement complexe : ce n’est jamais qu’un solo, faisant entendre de la poésie. Mais voilà : il est des fois où on aimerait s’en tenir à l’évidence d’un applaudissement, d’un cri joyeux d’admiration. Et basta. En position de critique, franchement ça peut pas le faire. Cela ne peut suffire. Il va falloir argumenter.
Une très grande autrice
Premier argument. Bruno Paternot nous fait découvrir une très grande autrice dont on ne connaissait même pas le nom avant de recevoir l’annonce de son spectacle. Pensez : Marcelle Delpastre a écrit toute son œuvre en langue occitane de son Limousin. Elle est née (en 1925) et décédée (en 1998, si près d’un millénaire neuf) dans la même ferme où elle a toujours vécu, toujours trait les vaches, et toujours écrit dès que passé son bac littérature et philo, et tâtée une formation d’art déco à Limoges.
Femme. Fermière. Occitanophone. On vient d’énoncer déjà suffisamment de facteurs d’ostracisation ; d’invisibilisation. Vers le début de son adaptation scénique, Paternot dresse un immense panthéon de femmes qui comptent fort dans le fil de l’Histoire comme dans le monde contemporain. C’est dans pareille lignée qu’il suggère d’inscrire Marcelle Delpastre. Au côté de Simone De Beauvoir, ou Olympe de Gouges. Donner à découvrir une inconnue magnifique compte assurément parmi les très belles missions dont un artiste peut s’acquitter ; et nous gratifier.
Un homme en marcel pour évoquer Marcelle
Deuxième argument. Simplement vêtu d’un marcel, et de bon pantalon à côtes de velours, c’est en être de sexe masculin que l’artiste vient se lover dans cette écriture d’une femme. Il le fait de tout son corps, qui est un rien potelé. Et cette rondeur, sous un faciès généreux, très adressé, nous offre une présence qui n’est pas exempte de questions de genre. Pour tout dire, Paternot danse, arpente son territoire scénique, le frappe en rythme, le laboure, le respire et l’exhale. On ne sait pas qu’il fût danseur. Il y garde un zeste de gaucherie qui rend tout cela profondément sincère. Et surtout mouvant. Ouvert, en somme.
De ce jeune homme moderne, Montpelliérain élu EELV (délégué à l’Esthétique lumineuse et ambiance sonore de la ville) à la fermière du Limousin, de la fébrilité métropolitaine à la sobriété rayonnante d’une vie paysanne sur les causses, d’une cité surdouée à sa langue historique qu’elle a quasiment laissé perdre, il y a quantité de mouvements, de déplacements, d’étoilements, qui gagnent les rangées dans la salle de la Passerelle à Jacou, où se déroule cette discrète soirée de première.
Tout cela est grand
Troisième argument. De tout son corps donc -un corps, c’est une personne- le comédien fait entendre un immense geste de parole. C’est d’autant plus intense que le versant dialectal limousin de la langue occitane peut ne pas se révéler immédiatement intelligible ; le moins qu’on puisse dire.
Or, décidé à tout déplacer, totalement traversé -et même le cédant encore à la posture du comédien qui nous montre qu’il joue, ce trait pénible au vrai spectateur de danse- l’artiste fait entendre une langue de souffle profond, de musicalité en horizons entiers, de vibration des moindres traits en présence du monde, et d’arbres, et de luminosités, et de mémoire immense autant que vulnérable. C’est cosmique, cosmogonique. Tout cela est grand, tout cela élève, tout cela transporte, en toute prégnance proche, abattant les frontières de puissance ; celles qui, par exemple, s’acharnent à tuer une langue, seule à même de dire cet instant et ce lieu uniques, et précieux, d’une civilisation au monde. Bruno Paternot habite cela, en délivre la force ; nous invite à le peupler. Chauffe Marcelle !
Ici, le site de la compagnie Rêves du 22 mars, productrice du spectacle « Chauffe Marcelle ! »
Très belle présentation mais il y a une petite erreur : Marcela a aussi une œuvre en français. De plus, il y a 30 ans, elle était passée chez Pivot.
« Désolé de ces deux petites erreurs ou omissions et merci de vos précisions. Même étant catalanophone, je ne suis pas spécialiste de littérature occitane… » Gérard Mayen
Elle fut éditée pour beaucoup de ses oeuvres et mémoires, chez « Lo chamin de sent jaume » par l’éditeur, JAN DAU MELHAU, grand écrivain et musicien occitan qui fut aussi son ami et est son éxecuteur testamentaire pour son oeuvre. Films et documentaires existent autour de la vie de Delpastre, d’autres sont en cours .
Poètesse ignorée, c’est un peu un pléonasme de nos jours…
« Poète » et non point poétesse, elle-même refusait ce « sse »; de plus beaucoup de ses oeuvres et ses mémoires ont été éditées via sa maison d’édition « lo chamin de sent jaume »par le grand poète, chanteur, écrivain occitan Jan Dau Melhau qui fut son ami et est son exécuteur testamentaire pour l’activité artistique et littéraire de Marcelle Delpastre. Il est bien de se référer et de le contacter pour tout projet concernant les oeuvres de Marcelle Delpastre. Elle est bien loin d’être un poète ignoré. Des films et documentaires ont de plus été tournés autour de sa vie. D’autres sont en cours, avec, bien entendu, l’assentiment de Melhau.
Quelle chance ont les artistes qui se redécouvrent sous ta plume, Gérard. Je n’oublierai jamais que tu fus celui qui comprit ma démarche entrainant mes élèves du conservatoire dans le théâtre russe.
Elle fut éditée pour la plupart de ses oeuvres et mémoires, chez “Lo chamin de sent jaume” par l’éditeur, JAN DAU MELHAU, grand écrivain et musicien occitan qui fut aussi un ami proche jusqu’à son décès et qui l’a choisi comme éxecuteur testamentaire pour son toute oeuvre. Films et documentaires existent autour de la vie de Delpastre, d’autres sont en cours .
https://www.libraria-occitana.org/produit/duna-lenga-lautra/ Pour info en ce qui concerne l’oeuvre « Nathanael sous le figuier »