Le matou du studio montpelliérain qui doit survivre dans une cité souterraine à la « Blade Runner » connaît une gloire internationale. Ses miaulements sont devenus viraux auprès de millions d’adorateurs de chats. Premier jeu vidéo du Blue Twelve Studio, il a été récemment primé aux Pégases, les Césars du jeu vidéo, après une récompense aux Game Awards, l’équivalent des Oscars pour la discipline.
Dans « Stray », les joueurs suivent les aventures d’un chat errant évoluant dans une ville inhabitée, peuplée de robots à la sauce « Blade Runner ». Épaulés par un petit drone doté de parole (appelé B-12), ils doivent résoudre des énigmes pour aider le chat à retrouver son chemin tout en échappant aux créatures mutantes qui le traquent.
Des chats de gouttière plus vrais que nature
Le jeu s’ouvre sur une cavité couverte de plantes grimpantes, où la nature semble avoir repris ses droits dans un espace désolé. Les gouttes de pluie qui martèlent le sol créent un rythme régulier et apaisant. L’atmosphère est paisible, presque mystique. Soudain, un chat apparaît furtivement. La caméra se recule lentement, dévoilant une troupe de chats, chacun vaquant à ses occupations. Les félins sont parfaitement à l’aise, en harmonie avec leur environnement. On pourrait passer des heures à les observer jouer et se mouvoir avec grâce et agilité, mais quelque chose nous dit que l’aventure ne fait que commencer.
La ville des ténèbres de Hong Kong
La ville cyberpunk de « Stray » s’inspire des animations japonaises des années 90 telles que « Ghost in the Shell ». Les joueurs explorent des rues remplies de néons colorés, de panneaux publicitaires, de gratte-ciels et de bâtiments abandonnés.
Les fondateurs du studio, Nicolas Carthelier et Vivien Mermet-Guyenet, se sont inspirés de la citadelle de Kowloon, une enclave chinoise située au milieu de Hong Kong. Démolie dans les années 90, elle a commencé à se développer de manière quasi-organique, avec seulement deux règles de construction : être raccordée à l’électricité et se limiter à quatorze étages en hauteur, pour ne pas gêner l’aéroport voisin.
Super graphismes en 4K
Des graphismes en 4K à couper le souffle, une bande-son immersive, une cyber-cité pleine de secrets… L’expérience de jeu de « Stray » est visuellement captivante.
Le joueur vit une expérience ludique, grimpe sur les murs, saute d’un toit à l’autre, dans un jeu d’aventure focalisé sur la narration, du genre « Zelda » ou plus récemment « The Last of Us », et pas un jeu de plateforme à la Mario Bros avec des perdants et des gagnants. Les déplacements du chat, qui peut miauler sur commande, sont scriptés et suivent un storyboard. Ce qui fait de « Stray » une aventure fluide et rythmée, un voyage avant tout.
L’atout américain Annapurna
Derrière cet environnement ultra léché digne des animations japonaises des années 90, on trouve une équipe « à taille humaine » de 17 personnes. Les deux fondateurs de Blue Twelve Studios sont deux anciens graphistes d’Ubisoft Montpellier. Le duo d’artistes commence à travailler en indépendant sur cet ovni en 2015. Annapurna Interactive, l’éditeur californien (derrière les jeux « Flower », « Journey » ou encore « Outer Wilds ») repère leurs ébauches sur le web en 2016 et leur propose un contrat d’édition. Déjà une consécration. L’alliance avec cette importante société américaine a porté ses fruits : 5 ans plus tard, Blue Twelve Studio est adoubé par Sony qui intègre la bande-annonce de « Stray » à sa conférence en ligne « Future of Gaming », présentée en plein confinement.
On peut être surpris d’une telle prouesse avec une équipe aussi réduite mais le studio montpelliérain est particulièrement efficace et agile, gérant bien la pression. Les intelligences artificielles ont pris en partie le pas sur la modélisation manuelle d’un environnement aussi foisonnant, où chaque élément de décor pouvait potentiellement devenir une plateforme d’exploration pour le chat. Mais Le développement de « Stray » a quand même duré 7 ans.
L’équipe de Blue Twelve Studio a également soigné l’animation du personnage principal de « Stray », ce chat domestique abandonné. Les développeurs ont reproduit les sauts, les griffades et les frottements contre les murs avec une minutieuse fidélité. Une observation fine, puisque « 80% de l’équipe a des chats et deux petits félins nous ont accompagnés au studio lors du développement« , précise Swann.
Une lettre d’amour aux chats
Stratégie payante : les miaulements de « Stray », bluffants de réalisme, sont devenus viraux. On ne compte plus les vidéos de félins interagissant avec le jeu. Pour l’équipe des créateurs, fans de chats, « Stray » est « une lettre d’amour à nos compagnons à plein de niveaux« .
En décembre dernier, au Microsoft Theater de Los Angeles, les producteurs ont reçu le prix du « Meilleur premier jeu indépendant » en saluant « toute l’équipe à Montpellier« . Le 9 mars dernier, c’est la cérémonie française des Pégases, organisée à Paris par le Syndicat national du jeu vidéo, qui récompensait le studio montpelliérain comme « meilleur premier jeu vidéo » et « meilleur jeu vidéo indépendant ». Pour Swan Martin-Raget, « être indépendant, c’est prendre énormément de risques et on est vraiment fiers de faire partie de cette vague française qui rayonne internationalement« . Une confirmation supplémentaire aussi de l’excellence montpelliéraine dans la discipline.
Le jeu est disponible sur PC et sur console Play Station 4 et 5 depuis juillet 2022.