Depuis son élection Michaël Delafosse a multiplié les prises de position en faveur d’une laïcité qui double l’arsenal juridique existant. Dans cet échange avec la journaliste Géraldine Pigault, diplômée du D.U Laïcité et Médiation de l’université de Nîmes, il confirme vouloir encore renforcer les dispositifs, annonce l’arrivée d’une référente Laïcité à la mairie, confie avoir été « menacé » mais assure de l’adhésion des Montpelliérains à sa Charte de la laïcité, retoquée par la Ligue des droits de l’homme.
Un voile « non négociable »
LOKKO : En février 2020, vous écartiez une femme voilée de votre liste, au nom de la laïcité. Pourtant, la neutralité à laquelle sont soumis les agents publics ne peut être transposée aux élus, comme l’a stipulé en 2010 le Conseil d’État. Allez-vous plus loin que le texte ?
MICHAËL DELAFOSSE : J’ai mes convictions. Quand j’ai commencé ma campagne, elle s’appelait « La gauche qui nous rassemble » avec les mentions « solidaire écologiste laïque innovante ». Ce n’était pas négociable. Je veux bien entendre la décision du Conseil d’État, mais qu’est-ce qu’on fait de nos convictions ? Si je respecte profondément la liberté de croire ou de ne pas croire, j’estime qu’on n’affiche pas sa foi mais ses idées sur une affiche de campagne électorale. Quand mes candidats représentent la gauche, ils ne portent pas de signes religieux. Peu importe lesquels. Et il me semble que cet avis est partagé par les Montpelliérains. Sérieusement, cette candidate, si elle avait été élue, aurait porté l’écharpe tricolore et le voile ensemble ? Comment aurait-elle célébré les mariages républicains ? On aurait vraiment dû discuter de ça ? J’ai été surpris qu’il puisse y avoir une polémique là-dessus. Il faut être clair sur cette question : « L’Église chez elle et l’État chez lui », comme l’indiquait Victor Hugo dès 1850, préfigurant la loi de 1905.
Que feriez-vous si un élu, en séance de conseil municipal, venait à arborer un signe d’appartenance religieuse ?
Je suis très ferme sur ça et la majorité de la population m’a donné raison. Si demain, un élu se présente en conseil municipal avec un signe religieux, je dirai exactement la même chose. Quand on est élu, on a une obligation de neutralité. On est élu de tous les Montpelliérains et pas en représentation d’un culte. Il est question de devoir moral dans cette appréciation. C’est pour ça que je m’oppose à ceux qui participent à l’ingérence du religieux dans la vie démocratique.
Que voulez-vous dire quand vous avancez qu’il faut « protéger les maires de l’influence du communautarisme ? »
Le communautarisme se construit contre le modèle républicain. Quand les gens se sentent délaissés, le communautarisme gagne. Garantir les droits sociaux, c’est lutter contre le communautarisme. C’est pour cela que j’ai mis en place dès 2020, un grand soutien scolaire dont le budget s’élève à 800 000 €. Cela permet aux parents qui en ont moins les moyens, mais aussi aux autres, de compter sur la municipalité au lieu de se reporter sur des solutions onéreuses ou des écoles religieuses gratuites. Le problème n’étant pas d’y aller, mais de n’avoir que ce choix.
« La gauche a été faible, louvoyante, avec la laïcité »
Au fil des décennies, la gauche n’a-t-elle pas abandonné la question de l’application de la laïcité à la droite ?
Parce que la gauche a été faible, louvoyante, avec la laïcité, nous en sommes là. Souvent, par peur de blesser, elle n’a pas été dans la clarté, elle a laissé faire. De manière révélatrice, si toute la gauche a bel et bien voté la loi de 2004, ce n’est pas un projet qui est venue d’elle. C’est d’autant plus dommage que la laïcité est le fruit de la IIIe République. J’appartiens complètement à cette histoire-là. Moins la religion s’insère dans la vie publique, mieux nous nous portons. Je suis très hugolien en ces termes.
Campagne municipale lancée le 8 mars dernier, Journée internationale pour les droits de la femme.
« Le règlement d’hygiène des piscines municipales ne changera pas »
Pensez-vous que les maires qui tolèrent les burkinis dans les piscines municipales ont baissé les bras ?
Je suis en total désaccord avec le maire de Grenoble qui a cédé à la pression religieuse. Personne n’est dupe. Ce n’est pas rendre service aux Musulmans de France, qui se tiennent à mille lieues de ces positions. À Montpellier, tant que je serai maire, le règlement d’hygiène des piscines municipales ne changera pas.
Quitte à mécontenter et être taxé d’islamophobie ?
Mes valeurs républicaines et de gauche sont intraitables. Je récuse l’intolérance religieuse sous toutes ses formes. Je porte des projets et des valeurs. Sur la laïcité comme sur d’autres sujets, je préfère perdre une élection que mes valeurs. En réalité, les habitants de la ville se retrouvent dans ce que je défends : la concorde et la paix civile. Nous vivons sur un territoire fortement marqué par les guerres de religion, par l’affrontement entre catholiques et protestants dont le siège de Montpellier constitue le point culminant. La ville porte les stigmates de ces conflits, l’histoire nous rappelle ce qu’a produit l’intolérance religieuse. Quand j’entends des gens de gauche parler d’islamophobie, aller jusqu’à remettre en cause le droit à la caricature, je trouve que c’est une sémantique dangereuse.
En tant que professeur d’histoire-géographique, comment abordez-vous la tolérance ?
J’enseigne Charlie, je suis pour le droit au blasphème, à la critique, qui sont essentiels à la démocratie, à l’heure où Samuel Paty a été tué pour avoir montré des caricatures de « Charlie Hebdo ». Aujourd’hui, il ne faut pas oublier que le fanatisme tue en France. Au XVIIIe siècle, le chevalier de la Barre est mort pour les mêmes raisons, calomnié pour irrévérence envers des Capucins. La grandeur de Voltaire a été de défendre cet innocent. Restreindre les libertés d’expression n’a jamais été la solution. Il faut la concorde, éclairée par la science, qu’articule la laïcité.
Inauguration de l’école Samuel Paty dans le quartier de la Restanque en septembre 2022 avec le Ministre de l’éducation Pap Ndiaye.
« J’ai été menacé mais je n’ai jamais eu peur »
Avez-vous déjà eu peur, vis-à-vis de votre position, face à ce sujet à vif en France ?
J’ai déjà été menacé, mais je n’ai jamais eu peur. J’accorde une grande importance à la date du 9 décembre, que la municipalité a honoré cette année par une journée ponctuée d’une conférence de l’historien Patrick Weil sur le thème « La Laïcité peut-elle unir les Français ? », mais aussi d’une lecture-performance du texte de Charb : « Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes » donnée dans l’auditorium de la Panacée. J’ai été en colère quand j’ai entendu que l’on avait peur, dans certaines villes, de jouer cette pièce. Je ne donnerai pas raison à ceux qui ont assassiné Charlie. « Je suis de la couleur de ceux qu’on persécute« , Lamartine, 1850.
La laïcité est-elle bien appliquée dans les collectivités territoriales ? Faut-il l’adapter ou la renforcer ?
La laïcité doit être renforcée. Il est important de faire preuve de vigilance, d’être aux côtés des agents publics, de les former, pour qu’ils puissent réagir en cas d’atteinte à la laïcité. Récemment, une femme voilée était victime de propos discriminants de la part d’un usager de la médiathèque Emile Zola. Le personnel a immédiatement fait intervenir la Police Municipale. C’est un exemple de fermeté envers toute forme de discrimination. Pour les reconnaître, il faut être incontestablement être formé. C’est pour cela que la mairie de Montpellier vient de recruter une référente laïcité. En revanche, je suis profondément révolté quand l’extrême droite parle de laïcité en installant une crèche dans une mairie.
« Tant que je serai maire, aucun local associatif ne sera interdit aux femmes »
Quelle est l’origine de charte de la laïcité, que vous avez instaurée vis-à-vis des associations subventionnées par la ville ?
Au début de mon mandat, j’ai constaté que des locaux municipaux étaient devenus des lieux de culte, alors qu’ils n’étaient pas destinés à ça. Ce n’est pas à la religion à organiser la vie sociale. Sauf que pendant des années, un certain nombre d’associations avaient été livrées à elles-mêmes, abandonnées, dans plusieurs quartiers montpelliérains. J’ai instauré la charte de la laïcité parce que c’était urgent. Aujourd’hui, les problèmes ont été réglés. La quasi-totalité des associations de la ville a adopté cette charte. Certaines m’ont même invité à des signatures. Tant que je serai maire, aucun local associatif ne sera interdit aux femmes ou transformé en lieu de culte. Hélas en France, il y a des élus locaux qui ont laissé faire, qui se sont compromis, par clientélisme.
Cette charte n’a pas fait l’unanimité. La Ligue des droits de l’homme s’en est ému…
C’est la section montpelliéraine de la Ligue des droits de l’homme, qui s’est opposée, ainsi que la Libre Pensée.
Quand on demande à Michaël Delafosse quel est le pouvoir d’un élu local en matière de laïcité, il répond : « Le verbe ». Sa limite ? : « La loi ». Ici lors d’une réunion publique à la Mosson, le 14 avril.
« Il suffit de regarder Les Misérables«
Pensez-vous que l’arsenal juridique actuel suffit à endiguer la montée des différents communautarismes ?
L’arsenal juridique ne suffit pas à lutter contre le communautarisme. Seule la République sociale peut le faire. Il suffit de regarder le film « Les Misérables » de Ladj Ly, qui montre très justement la nécessité d’un grand projet social là où la République n’est plus. Quand on est de gauche, on ne compose pas avec le communautarisme. Ici, à Montpellier, on mène ce grand projet social et il comprend une rénovation urbaine, pour garantir l’égalité et la dignité. Autre exemple : nous sommes très attentifs à ce que chaque défunt puisse être inhumé selon sa spiritualité. Il est du devoir de la République de protéger tous les cultes.
« Pendant des années, la municipalité a fermé les yeux »
Vous êtes particulièrement vigilant…
Il ne faut laisser aucune place aux signaux faibles. Un responsable du culte musulman me disait que des prêcheurs venaient dans le quartier de la Mosson tenter de déstabiliser la communauté musulmane aux abords de la mosquée. Pendant des années, la municipalité a fermé les yeux sur ce type d’ingérences. Moi, je ne les tolère pas. Je soutiens et défends un Islam de France.
Justement, vous vous êtes opposé en 2020 à la vente de la mosquée Averroès au Maroc. Un moyen de fermer la porte à l’ingérence ?
Quand j’apprends qu’une mosquée va être cédée pour 1 € au ministre des cultes d’un état étranger, je suis en désaccord, même s’il s’agit d’un pays ami. À Montpellier, on soutient un Islam qui n’est pas sous influence de pays étranger. En définitive, ça a rassuré beaucoup d’habitants qu’on ne laisse pas faire n’importe quoi.
Vous considérez-vous comme hussard noir ?
Ce terme n’est pas forcément approprié. Je suis profondément républicain, pour l’égalité. En 1994, je militais contre la révision de la loi Falloux (ndlr : portant sur les aides publiques aux écoles privées). Je n’ai pas oublié. Je n’ai jamais varié.
Photos @VilledeMontpellier
La charte de la laïcité
La charte de la laïcité reprise par la Ville de Montpellier a été créée en 2018 par l’Observatoire de la laïcité à la demande de Marlène Schiappa, alors secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations. Composé de 7 articles, ce texte qui rappelle les principes de la loi de 1905, se télécharge en cliquant sur ce lien, en bas de page. Montpellier est la première métropole en France à mettre en place cette charte.
Ah, si tous les maires de France pouvaient être comme Michaël Delafosse !…
J’adhère tout à fait !
Pas par rapport du tout à la même discussion j’aimerais vous rencontrer j’ai un adolescent de 15 ans j’habite au petit bar j’ai un enfant autiste sévère qui ne monte pas les escaliers je n’ai pas d’ascenseur j’ai des gros soucis de dos je ne m’en sors plus j’aurai dû prendre le travail mais vu que mon bébé à 7 mois de ta Jamal même s’il a 3 ans au mois de juillet je vous en supplie je vous demande pas un château juste un rez-de-chaussée avec un petit extérieur s’il vous plaît aidez-moi en plus je me suis fait voler ma poussette je me suis fait agresser il me cassé le toit et gitan de derrière chez moi s’il vous plaît