Star de Youtube, Swann Périssé est à l’affiche du Salon des Indépendants, le bar comedy club de la rue du Faubourg du Courreau. Aujourd’hui installée à Montpellier, elle sillonne les petites salles de stand-up. Clara Mure qui l’adore a été déçue, voici pourquoi.
Une heure avant la salle était déjà bondée, le public assis sur le sol jusque sur la scène. On sentait l’effervescence face à la star des réseaux sociaux aux millions de vues. Toute en apparente simplicité, Swann attaque avec son rire légendaire : « on est habitué.es à jouer comme des clochards et à marcher sur des gens en retard à cause de la manif ». Ironique, elle se réjouit, de son « public de gauchos qui pue des pieds » en lançant « on a le public qu’on mérite ! ». Le ton est donné.
Deux premières parties la précèdent, représentant deux autres figures du stand-up montpelliérain, la Redline et le Madrediosa. Un « arabe végétarien » et une « lesbienne rebeu » accro à la masturbation, les crédos écologie et féminisme sont activés. Juste assez pour que je me souvienne que les scènes de stand-up gratuites avec sortie au chapeau servent à tester des vannes sur le public pour construire un spectacle. Swann ne déroge pas à cette règle.
J’étais heureuse de voir celle qui me fait rire depuis des années en partageant ses échecs amoureux, ses réflexions féministes ou en donnant des conseils écolo inspirants. Militante le jour et humoriste la nuit, décomplexée, libre, ce genre de personnalité que l’on rêve de rencontrer. Aux antipodes de l’influence en mode Dubaï au marketing robotisé, elle a commencé à faire du divertissement sur Youtube avec Pierre Croce et propose aujourd’hui des contenus plus engagés, avec des partenariats ciblés, pour être « moins connue mais plus heureuse ». Elle a quitté sa vie parisienne en 2020 pour sillonner la France avec une caravane de 4m2 sans toilette et sans douche et fait Paris-Copenhague en vélo. Egérie du Net devenue minimaliste, elle a opéré une véritable « reconversion éthique », à l’image de certains contenus conscientisés à l’ère « woke » d’autres youtubeur.ses comme Marie Lopez (alias EnjoyPhoenix). On l’a vu vanter les produits zéro déchet, parler de la plantation d’une mini forêt ou d’un potager autosuffisant sur sa chaîne secondaire : Vert chez vous.
Qu’est-ce qui ne le fait pas ?
Alors qu’est-ce qui a pu m’agacer à ce point ? Toute la première partie de son stand-up en rodage m’a mise dans le même genre de gêne que dans les repas de famille quand ton oncle (c’est toujours un oncle) fait une blague un peu craignos sur les enfants ou les femmes et que tout le monde rit poliment en priant pour que ce moment s’arrête vite. Verre de vin à la main, se moquant des bobos qui applaudissent sans bruit, elle provoque des silences embarrassés. Tout semble décousu, seul son rire prend tout l’espace. Le public, lui, paraît étrangement bienveillant.
La deuxième partie nous sortira enfin de l’anesthésie du malaise, mais pas de la meilleure des façons. Narcissique assumée, elle crâne à l’évocation de tous ses fantasmes réalisés comme coucher avec « un mec riche de droite »… On entend son ouverture d’esprit et son engagement envers la communauté LGBTQ+, envers les travailleuses du sexe, envers les plus pauvres. On la sent ancrée dans l’époque mais la radicalité de sa liberté n’a plus rien de jubilatoire. Swann Perisse incarne au plateau la célébrité et l’égo surdimensionné. Pas seulement du milieu artistique ou humoristique mais aussi des youtubeur.ses et autres influenceur.ses des réseaux sociaux qui se sont professionnalisé.es ces dernières années.
De celle qui m’inspirait dans sa vidéo sur son corps ou ses récits d’agression teintés d’un humour salvateur (photo), jusqu’à son don d’ovules récent, de ses histoires féministes et hilarantes au lit, elle incarne sous nos yeux une dérive de la communauté. Derrière l’écran se camouflent les privilèges de gens connus, millionnaires pour certain.es qui peuvent avoir pris le melon comme n’importe quel.le star du show-business.
L’épreuve du 4ème mur
Elle qui était pourtant humoriste avant d’être youtubeuse semble aujourd’hui peu à l’aise face au public. Dans ce format long du seule en scène, les punchlines tombent à plat. Ses égarements et improvisations ne lui rendent pas service. C’est toute la différence entre Youtube, sa puissance factice et miraculeusement acquise et l’impitoyable quatrième mur, ce mur imaginaire séparant au théâtre les acteurs.rices des spectateurs.trices de chair qu’il n’est pas si facile de briser. Un autre contrat narratif pas si simple à maîtriser.
Swann Périssé, c’est à la fois, le meilleur : une invitation à nous transformer, à conscientiser, à aimer et à partager. Lorsqu’elle a évoqué le « deuil » d’une rupture amoureuse, s’arrêtant de rire fort, elle avait ému aux larmes près de deux millions de personnes. Mais Swann Perissé, c’est aussi le pire de la e-superficialité à ramener tout à son petit nombril, à vouloir l’argent et les paillettes, à s’entourer des mauvaises personnes. La créature de Youtube qu’on a tant aimé traverse mal l’écran.
« En construction », Swann Périssé, jeudi 20 avril à 19h au Salon des indépendants, 35 rue du Faubourd du Courreau, Montpellier. Entrée libre sans réservation / Sortie au chapeau. Ouverture des portes à 18h, il est vivement conseillé d’arriver avant 18h pour avoir une place assise. ATTENTION : c’est la dernière date de la saison. Contact lesalonmtp@gmail.com
Photo à la Une @Thomas O’Brien