« De femme en femme » de Hélène Couturier : un roman hypnotique sur la violence des hommes

Critiques élogieuses pour « De femme en femme », le nouveau livre de la montpelliéraine Hélène Couturier qui plonge dans l’univers mental d’un dragueur lourd. Un roman noir au cœur des déterminismes masculins. 

« Et elle sourit mais ne tente rien sur moi, elle fait juste l’aller-retour avec sa tablée de copines, et de nouveau je regarde son fessier complètement hors-norme sur un aussi petit format tout en me demandant pourquoi elle me fait autant d’effet parce qu’habituellement, je suis sensible aux grandes et larges femmes, celles où il y a du volume des hanches massives, des cuisses puissantes, des bras, des seins, celles qui me remplissent la main…« 

Ilyas est un gros dragueur, bien lourd, qui trouve ses plans dans les boites de nuit parisiennes. Inadapté à son temps, mais jouissant des avantages de l’effronterie sexuelle des femmes. C’est un jeune mâle kabyle, version aggravée du vieux mâle blanc, masculin roué mais vacillant. Bien paumé avec toutes ces lignes qui bougent, il tient la main de sa mère en pensée, comme référence structurante, par ailleurs victime d’un mari cogneur. « Et comme si c’était le signal de plus si affinités, elle colle sa main sur mon entrejambe, oui maman, sans demander la permission« .

Il chasse de femme en femme, rencontre Élodie, une femme-flic avec laquelle il a une relation sexuelle torride, et particulièrement brutale. C’est là qu’on n’en dit pas plus. Il faut du temps, une fois qu’on a ouvert ce livre, pour se persuader qu’on va tenir le coup avec une telle compagnie. Mais c’est sans compter l’hypnose qui s‘est déjà mise en place, à nos dépens.

En 1996, Hélène Couturier était la première écrivaine française à publier dans Rivages/Noir dirigée par François Guérif avec « Fils de femme ». On pense d’ailleurs beaucoup à ce livre dont le personnage principal était un homme assoiffé de sexe. Un mouvement #metoo plus tard, quelques autres livres et documentaires, voici « De femme en femme », une sorte de jumeau littéraire, 27 ans après.

On reconnaît à chaque ligne cette montpelliéraine solaire, aimant la fête et l’électro, qui y a mis sans doute un peu d’elle-même. Mais c’est Hélène Couturier, l’écrivaine, qui en impose, avec son art de la manipulation littéraire : un dispositif redoutable de syntaxe en cascade, où se succèdent les locutions en « et », produit un effet quasi hallucinatoire -« elle s’échappe pour monter le son et je vire mon tee-shirt, parce que mes bras, c’est ce que j’ai de plus beau, et elle revient... ». Hélène enrichit son texte de bouts de chansons adaptées à chaque contexte, de Dalida à Clara Luciani, en passant par The Blaze. Enfin, pour dire ce que ce triste héros a dans la tête, elle insère des flashes, des réminiscences, des obsessions terribles sur un père, qu’il appelle géniteur, monstre de violence. Tout concourt à un brillant « stream of consciousness » qui touche aux zones d’ombre du désir, aux déterminismes masculins, aux héritages culturels intimes, à l’époque, avec une belle liberté. Un roman hypnotique sur la violence des (de certains) hommes.

Hélène Couturier est l’invitée d’une rencontre avec la romancière, également montpelliéraine, Anne Bourrel, le samedi 13 mai à 11h dans le studio éphémère de France Bleu Hérault. Elle dédicace ses livres sur le stand de la librairie l’Opuscule, vendredi, samedi et dimanche AM.

Café littéraire très noir en compagnie d’Hélène Couturier, le dimanche 14 mai à 10h, Jardin de l’hôtel de Lunas.

« De femme en femme », Hélène Couturier, Rivages/Noir, 19€.

C’est l’animal qui orne l’appartement de Élodie dans « De femme en femme », appartenant à une série de vaches que Hélène Couturier peint dans la vraie vie. Une exposition leur est consacrée à l’Opuscule à Montpellier, du 13 mai au 15 juin 2023. Vernissage ce vendredi 12 mai à 19 h.

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1 Commentaire
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Monica
Monica
1 année il y a

Ouaouhhh ! Ça envoie! Comme toujours Les mots de Valerie et ceux du roman s’entrechoquent, bousculent et nous propulsent loin du quotidien.
Merci de donner l’envie imminente de lire!!!

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