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Un Labiche déglingué et drôlissime ouvre la saison théâtrale

On rit beaucoup durant les 2h20 d’ « Une île flottante », cette pièce d’après Labiche mise en scène par le génial suisse Christoph Marthaler qui place très haut, avec une liberté et un talent hallucinants, en ouverture de saison du domaine d’O, la question centrale des rapports entre répertoire et mise en scène.

De l’île flottante -métaphore du dessert bourgeois-, il n’en est pas question, ici. On laissera ce mystère aux pertes et profits d’un univers particulier, assez unique dans le théâtre européen. Ici, un « d’après Labiche » dont Marthaler s’inspire. Il a adapté « La poudre aux yeux », une comédie où deux bourgeoises Mme Malingear et Mme Ratinois enjolivent leur condition avant de sceller l’union de leurs enfants. Ces pourparlers matrimoniaux ont été importés dans le logiciel survolté du suisse Marthaler qui y ajoute le choc des nationalités. Un père est français, l’autre parle un patois allemand. Niveau communication, c’est compliqué.

L’excellence du jeu de la distribution franco-allemande, cette manière de jouer avec naturel dans l’extrême, sans frein, fait d’ailleurs penser à la direction d’acteurs d’outre-Rhin et ce n’est pas un hasard : Marthaler a collaboré avec Franck Castorf et sa Volksbühne dont on a vu à Montpellier un Don Juan très rock et très nu.

A « La poudre aux yeux », il ajoute des morceaux d’autres pièces en pimentant de prouesses diverses ce face à face entre les deux familles qui veulent masquer leur médiocrité (il parle de nous, ce faisant, de tous ces petits maquillages qui arrangent un peu nos existences). Il y a ces vers en anglais du « Jabberwocky » de Lewis Caroll récités par un acteur pince-sans rire. Des mariés enfonçant leur postérieur dans une chaise trouée, coinçés au moment du pacte, que le père en pleine crise de pétomanie retarde, de son côté. La fille à marier Emmeline bien lubrique malgré ses anglaises, et se tordant en convulsions terrifiantes quand le carillon sonne. Le fils, attardé mental, un peu nazillon qui massacre une chanson de Bobby Lapointe.

On a compris : la bourgeoisie est une pathologie sociale, qui corrompt les cerveaux (beaucoup ont l’air d’être dans une phase post-AVC) et les corps aussi, tordus, comme électrocutés. Belle matière théâtrale cette monstruosité de classe : dans cette pièce de 2013, Marthaler s’en donne à cœur joie tout en ayant l’air aussi, malgré une fureur de solutions dramaturgiques, de ne pas en faire trop. Il y a beaucoup de temps suspendus, d’étrangeté distillée dans le voyage auprès de ces somptueux ridicules.

On est chez Labiche mais aussi chez Ionesco, Brecht, le boulevard le plus kitschissime s’y invite, mais aussi le cinéma muet ou Dada. Et une touche des Marx Brothers. C’est un puissant carambolage d’esthétiques, assez loin du vaudeville initial, qui se joue et effare littéralement. Génial.

Ce samedi 23 septembre à 19h. Voir ici. Photos Simon Hallstrom

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Monica
Monica
1 année il y a

Pas mieux!!!

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