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Montpellier a fait du contre-ténor Philippe Jaroussky un grand chef

Contre-ténor star, Philippe Jaroussky a fait ses débuts de chef d’orchestre en 2021 à Montpellier où il termine sa troisième et dernière année de résidence. Pour cette première devant un orchestre en formation symphonique, il a véritablement séduit avec un magnifique programme consacré aux oeuvres de jeunesse de Mozart.

Durant sa carrière déjà longue, le contre-ténor Philippe Jaroussky a évolué principalement dans la musique baroque. Sa discographie en témoigne : Haendel, Vivaldi, Pergolese, Gluck ou Bach forment l’univers musical dans lequel il évolue depuis ses débuts en 1999.

Désirant élargir ses capacités artistiques et tenté par la direction, il crée en 2002 son propre ensemble musical Artaserse du nom d’un opéra peu connu alors de Leonardo Vinci et qui fut un des premiers rôles du castrat Farinelli. « Parce que le monde de la musique n’est pas celui des Bisounours et qu’il est difficile pour des jeunes talents de se faire un nom », il fonde en 2017 une Académie pour de jeunes talents venus de tous  milieux sociaux en envisageant la culture comme vecteur d’intégration sociale et culturelle.

Un touche-à-tout surdoué

Vocalement, Philippe Jaroussky n’a plus rien à prouver mais il a sait les risques pour sa voix d’une longue carrière, d’où sa volonté de mener à bien d’autres projets comme la direction d’orchestre. Et c’est à Montpellier qu’il choisit de faire ses débuts : à la tête de l’Ensemble Artaserse, il dirige, en 2021, « Il primo omicidio », un joyau du baroque italien composé par Scarlatti. Un succès triomphal qui signe le début de sa résidence à l’Opéra de Montpellier. Pour la première fois dos au public, Jaroussky tire son épingle du jeu par une direction claire dans un style musical qu’il connaît et maîtrise jusqu’au bout des ongles.

Un Mozart baroque

La direction d’orchestre est un projet resté longtemps secret mais qui le poursuit depuis longtemps. Là où on l’attendait moins, c’est sur le répertoire. Pourquoi Mozart ? C’est un compositeur que ce tout nouveau chef rêve depuis longtemps de diriger. La réponse est sans doute dans le choix des œuvres données en cette fin octobre à l’Opéra Comédie. En choisissant des œuvres de jeunesse, composées par un jeune homme de 15 ans à peine, très marqué par la découverte de la musique de Johan Christian Bach (l’un des fils de Jean Sébastien), Philippe Jaroussky n’abandonne pas complètement le terreau baroque dont il se nourrit depuis plus de 20 ans. Dans cette écriture enthousiaste et inventive perdurent des accents que sa direction choisit de souligner.

Des pupitres de cordes voluptueux

 Dans une autre vie, Philippe Jaroussky a étudié le violon. Est-ce la clé de son osmose avec les musiciens de l’Orchestre de Montpellier ? Pour sa première devant un orchestre symphonique (dont il a salué la patience devant le public de l’Opéra Comédie), le jeune chef a visiblement travaillé la communication et le message passe sans encombre : c’est du velours tant du côté des violons que des cordes graves. La musicalité est incontestable et la cohésion des pupitres exemplaire : on retiendra un dialogue entre les supersolistes Dorota Anderszewska au violon, Cyrille Tricoire de Haro au violoncelle et l’ensemble des musiciens, qui a laissé la respiration du public en suspens.

Un orchestre tout en nuances

En matière de direction d’orchestre, vaut avoir en face de soi un véritable allié. C’est visiblement le cas avec l’orchestre de Montpellier qui donne généreusement une réponse adaptée aux demandes du chef. On ne redira jamais assez l’empreinte laissée par le maestro Schnøwandt sur ces musiciens qui ont acquis et gardent un niveau digne des grandes formations nationales. Les vents et les cuivres ainsi que les percussions collaborent à cette cohésion si particulière qui donne à un orchestre un son qui lui est propre.

Une soprano incandescente

Une beauté à la Modigliani, toute de strass vêtue, la soprano vaudoise Marie Lys est incontestablement brillante. Elle qui, en 2022, a remplacé au pied levé Cecilia Bartoli (excusez du peu) dans le rôle-titre d‘Alcina de Haendel, est spécialisée dans la musique Baroque. Elle vient de sortir son premier album solo Amate Stelle (label Glossa). Son interprétation aussi élégante que charmeuse vient à bout du récitatif « Misero me… Misero pargoletto « , exercice compliqué s’il en est, surtout sorti de tout contexte, dont elle sort triomphante grâce à une présence scénique assez remarquable. L’aria Al destin, che la minaccia (extrait de l’opéra Mitridate ) est un petit bijou. L’avantage d’être un chanteur à la baguette est ici évident : attentif, l’orchestre porte la mélodie, soutient la soliste et jamais ne l’écrase. Pour finir ce concert, un choix périlleux : le redoutable Vanne t’affretta tiré de l’opéra seria Lucio Silla. Une partition brillante aux aigus redoutables, émaillée de longues vocalises rapides.

Des applaudissement nourris, un public jeune et enthousiaste auquel la soprano et le chef vont offrir un bis savoureux : un extrait de Don Giovanni, une écriture plus tardive dans la vie du compositeur, dont la plus grande complexité est tout à fait bien servie par l’ensemble de l’orchestre. Un concert très apprécié du public montpelliérain.

Philippe Jaroussky retrouvera le public  pour un récital baroque en février 2024, puis la Passion selon St Matthieu de J.S Bach, le mois suivant et animera une dernière Master class le 3 février, salle Molière, à l’Opéra Comédie.

Photos OONM

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