Le recrutement par Mohed Altrad de Bernard Laporte, l’ancien président de la Fédération française de rugby, comme directeur du MHR jette une ombre sur le rugby montpelliérain. Les deux hommes ont été condamnés, il y a moins d’un an, pour avoir noué un « pacte de corruption » (*). Cette nouvelle direction discutable saura-t-elle sauver un club à la dérive ?
Bernard Laporte et Mohed Altrad bénéficient de la présomption d’innocence jusqu’au nouveau procès, en appel, qui se tient dans deux ans. Les deux hommes sont donc toujours dans l’attente de leur condamnation pour « corruption passive, trafic d’influence, prise illégale d’intérêts, recel d’abus de biens sociaux et abus de biens sociaux ». Même si les conditions dans lesquelles se sont déroulées les opérations sont très discutables, cette affaire donne du rugby une regrettable dimension affairiste dont les conséquences sont néfastes en particulier pour les jeunes.
Avec lui, la France aurait gagné
Bernard Laporte ne fait pas profil bas. Dans la presse, le nouveau directeur du rugby a commencé à régler ses comptes avec ceux à qui il a dû laisser sa place après sa première condamnation. Il rend responsable (sans le nommer) le nouveau président de la Fédération française de rugby, le montpelliérain Florent Grill, de la défaite du 15 de France en Coupe du monde. Avec lui, la France aurait gagné. Il aurait su faire pour que les arbitres soient plus indulgents envers les Français. C’est ce rugby que l’on veut ?
Bernard Laporte esquive, ne « répond pas aux cons ». Hélas pour lui, les gens importants qui le soutenaient voici quelques années ont trop à faire pour lui être d’aucun secours aujourd’hui. Seul le président du club Mohed Altrad continue de dire de lui : « Laporte est un homme intègre ».
Dernier du Top 14
En attendant, c’est la grande lessive au Montpellier Hérault Rugby. Suite à la fessée subie le samedi 17 novembre par le MHR à Perpignan, et beaucoup plus tôt que ce qui était annoncé, Mohed Altrad joue au chamboule-tout en nommant une équipe disparate dont on ne sait si elle est susceptible de résoudre les difficultés de ce club qui est dernier du Top 14. Il n’été champion de France qu’une fois. La « remontada » sera difficile. D’autant qu’à Montpellier la culture rugby est à la peine. Au plan national, la discipline se situe au 10e rang des sports pratiqués en France (avec ses 324 000 licenciés), très loin du football (2 130 054), de l’équitation (692 400), et même de la natation (379 916).
Panic bug au MHR
Le recrutement du staff s’est produit dans l’urgence, avec un esprit « commando ». On peut s’interroger sur la cohérence de cette équipe avec des gens recrutés à la hâte qui n’ont jamais travaillé ensemble. Cela ressemble à un recrutement à Pôle emploi. L’essentiel des entraineurs ont été licenciés : Patrice Collazo, Vincent Echetto, Christian Labit. Le manager du 15 de France, Raphaël Ibanez, a été sollicité, mais il reste en équipe de France. Tous ces gens ont incontestablement des compétences à titre individuel, et l’expérience de situations difficiles des clubs où ils sont passés. Mais ces décisions précipitées sont-elles les bonnes ? Ne s’agirait-il pas plutôt d’un « panic bug » ?
Le mal est profond, mais où est-il ?
L’effectif des joueurs est impressionnant mais il est trop dépendant de joueurs souvent étrangers (les Sud-Africains de la finale perdue) et les Anglais depuis 3 ans. Quelques joueurs ont eu des soucis avec la justice… Certains français, pourtant prometteurs, déçoivent. La déception de la Coupe du monde pèse sur les internationaux.
On imagine mal le MHR descendre en division 2. Il ne peut pas pour autant prétendre à une grande saison. Revenir dans le top 6 sera un exploit. Un espoir, une ligne de vie.
Un épisode compliqué qui laissera des traces dans l’image du club et de la discipline.
(*) Pour rappel, le 13 décembre 2022, Bernard Laporte avait été contraint de quitter son fauteuil à la présidence de la FFR après sa condamnation à deux ans de prison avec sursis et 75 000 euros d’amende par le tribunal correctionnel de Paris, pour avoir noué un « pacte de corruption » avec Mohed Altrad, pacte lié notamment au parrainage du maillot du XV de France.
L’homme d’affaires franco-syrien avait lui été condamné à dix-huit mois de prison avec sursis et 50 000 euros d’amende pour avoir « rémunéré Bernard Laporte afin d’obtenir ses faveurs en sa qualité de président de la FFR ».