« Corps noirs » : faire corps contre le racisme

Des danseurs et chanteurs noirs parlent du racisme qu’ils subissent. Interprètes de la pièce « D’un rêve » de Salia Sanou, chorégraphe montpelliérain, ils ont été filmés par Christophe Pétraud durant les répétitions et les tournées. Un documentaire édifiant qui pointe le racisme structurel français mais est aussi porteur d’espoirs.

« Le nombre de fois où je suis rentrée en pleurant à la maison… ça fait du bien d’en parler, mais ça retourne aussi. Il y a une dimension exutoire dans cette chorégraphie« . Actrice dans « Un si grand soleil », formée au Conservatoire de Montpellier, Siham Falhoune a dit des choses lors des entretiens avec le réalisateur montpelliérain Christophe Pétraud qu’elle a sans doute peu exprimées ailleurs.

« Dans mon cursus j’ai souvent été la seule danseuse africaine. J’ai toujours eu droit à des remarques« . Française, Lilou Niang a été formée au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, où elle s’est souvent sentie isolée.

A la longue, on peut péter les plombs

Ousseni voyage beaucoup et il a l’habitude d’être retenu à la sortie de l’avion quand tous les autres passagers ont passé facilement les points de contrôle.

Akeem Washko est comorien d’origine. Médiateur dans les quartiers auprès des jeunes à Bobigny, il a toujours combattu le racisme. « Le contrôle au faciès, j’y ai été confronté souvent de là où je viens, quand ça arrive une fois on réagit avec intelligence, mais à la longue on peut aussi péter les plombs« .

Lydie Alberto, elle, était devant le palais de justice de Paris pour « obtenir un procès juste pour Adama Traoré. On était nombreux« .

L’universalisme plutôt que la négritude

Ils sont douze, chanteurs et danseurs, vivant la plupart en France, plusieurs en Afrique. Tous noirs sauf une. Kevin Charlemagne Kaboré réside, lui, à Ouagadougou. Il est de cette dernière génération d’élèves passés par le centre chorégraphique la Termitière dont Salia Sanou, ancien danseur de Mathilde Monnier, est le co-directeur à Ouagadougou. Un lieu unique pour la danse en Afrique.

Tous interprètes de la pièce de Salia Sanou « D’un rêve », créée en 2021, inspirée de l’utopie de Martin Luther King. Le réalisateur a suivi les répétitions, les tournées, animé par l’ambition d’explorer les formes latentes ou éclatantes de la discrimination subie quand on est noir de peau. « Pourquoi sommes-nous aujourd’hui encore confrontés à des thèses aussi injustes et stupides ? Comment se débarrasser de cette honte, de cette saleté qui colle à la peau : le racisme à bas bruit, sournois et permanent ?« . 

Il y a ce que le documentaire « Corps noirs » dit mais aussi ce qu’il ne montre pas : ils dansent devant des publics sans diversité, c’est assez frappant. Par ailleurs, il est difficile pour le chorégraphe international qu’est devenu Salia Sanou de voyager en première sans susciter de malaise chez les autres voyageurs…

Mais le parti-pris est clair : aller chercher le ressenti, l’intériorité douloureuse, laisser s’exprimer la souffrance, mais en restant, comme eux, du côté de la vie. C’est un film qui laisse passer la lumière : il émane de cette troupe une énergie et une fraternité par-dessus les blessures. Salia Sanou a clairement centré son questionnement sur un « corps universel » : « Comment ce corps universel va pouvoir s’engager et être mis en scène ? » commente-t-il. Il n’est pas au même endroit que Rebecca Chaillon, vue cet été au festival d’Avignon, avec une pièce afro-féministe « Carte noire nommée désir », actuellement à l’affiche à Paris. Leur revendication, selon les mots du réalisateur, s’appuie « sur l’universalisme plutôt que sur l’affirmation de la différence et de la négritude revendiquée« .

Une autre façon de faire corps.

Sur Via Occitanie, le 9 décembre à 20h, 10 décembre à 17h, 15 décembre à 22h, 23 décembre à 13h, 27 décembre à 17h et le 6 janvier 2024 à 20h + dispo en replay du 9 décembre 2023 au 8 février 2024.

« Corps noirs » est une histoire montpelliéraine : Luc Reder (Chuck productions) à la production, Saraband pour le son, Marnie Production pour l’image et le réalisateur est montpelliérain. Ce film a été un des tous premiers à bénéficier des nouveaux crédits de la métropole alloués aux Industries culturelles et créatives.

Photos @Chuck Production

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