Rébecca Chaillon : « À Avignon, nous avons vécu une fascisation »

Ce fut la grande polémique du dernier festival d’Avignon : avec « Carte noire nommée désir », Rébecca Chaillon a accédé à une large notoriété, douloureusement. Pour LOKKO, elle revient sur les agressions racistes subies, et évoque sa nouvelle pièce sur l’adolescence « Plutôt vomir que faillir » donnée du 6 au 8 mars au théâtre Jean Vilar en collaboration avec le Centre dramatique national des 13 Vents. Un colloque l’accueille, ce 8 mars, organisé par la faculté Paul Valéry, sur le thème « Ecritures et Scènes décoloniales ».

LOKKO : Est-ce qu’on verra « Carte noire » à Montpellier ?

RÉBECCA CHAILLON : Ça ne dépend pas de moi, ce ne sont pas les artistes qui choisissent de programmer leurs spectacles. Mais j’aimerais bien, je pense qu’il y a des chances que…

Six mois après, que vous reste-t-il de cet épisode avignonais pour vous et la compagnie ?

J’ai freiné les médias pour éviter de parler encore d’Avignon. Je braque encore un peu car c’était douloureux. Nous avons vécu de manière concrète une fascisation et une atteinte des groupes et des pensées d’extrême-droite. Le vivre soi-même, c’est très violent. Il y a eu le film « Avant que les flammes ne s’éteignent » de Mehdi Fikri (ndlr : sur les violences policières) et avant ça Rokhaya Diallo et d’autres artistes…

Cet espace privilégié donné aux femmes noires faisant face à un public blanc, cette idée aussi de subtiliser les sacs des spectateurs pour mimer le mot de colonisation, cela a créé une tension dont vous aviez mal ou pas imaginé les conséquences ? Est-ce un choix dramaturgique sur lequel vous avez eu des doutes ?

Non. Nous avons vécu une campagne de diffamation à partir d’une image volontairement interprétée (photo), pour dire qu’on avait voulu faire un génocide d’enfants blancs. Rien à voir, pour moi, avec le spectacle. On était dans la diffamation, du cyberharcèlement basique.

Et aussi des agressions dans la rue ?

Oui, l’interpellation d’une interprète de manière violente.

Il y eu une plainte contre X pour cyberharcèlement et apologies de crimes contre l’humanité.

Il y a un article assez détaillé sur Mediapart sur ces agressions et la plainte déposée. Je ne peux pas, sans relecture d’avocat, en dire davantage.

Vous pensez que cela a pu faire bouger des lignes à partir de ce que vous avez voulu dire et que, quand même, une majorité de gens a compris ?

J’ai fait un spectacle qui tourne en France et à l’international depuis 3 ans. On peut dire, oui, qu’il a été bien reçu, diffusé dans de grandes institutions culturelles comme le théâtre de l’Odéon. Ça veut dire quelque chose.

Ça s’est d’ailleurs bien passé à Paris fin 2023.  

Oui.

C’était Avignon, le problème.

Je ne peux pas vous dire. C’est de la sociologie et ce n’est pas mon métier. J’ai une hypothèse qui vaut ce que n’importe quelle personne peut dire au comptoir d’un bar. Dans le Sud, dans la région PACA, il y a des groupes d’extrême-droite… Peut-être le public du festival a aussi un logiciel différent. Il paye sa place plus chère, il a un autre type d’exigence, il désire un autre type de rapport.. Mais je n’ai pas vraiment la réponse.

     
« Je suis un peu un alibi »

Il y a ce colloque organisé par Pénélope Dechaufour, maîtresse de conférences en études théâtres à Paul Valéry, sur « Ecritures et Scènes décoloniales », construit autour de vous. On vous voit comme figure essentielle de ce croisement entre les arts de la scène et la pensée décoloniale. Qu’est-ce que ça vous inspire ?

J’ai un rapport mitigé à ça. Je suis un peu un alibi, en tout cas une des personnes qui a l’espace pour parler de ces sujets là, parce qu’accueillie, financée dans des lieux de culture. Je prends cette place et j’en suis reconnaissante. Si ça encourage d’autres artistes minorisés à prendre la parole… Mais, après, je suis sceptique car il y a d’autres personnes qui ont des choses à dire sur le sujet. Je ne dois pas être l’arbre qui cache la forêt. Ou la caution pour parler de ça. En vrai, ça m’intéresse d’avoir des échanges avec des personnes qui ont le pouvoir de programmer ou de penser le théâtre différemment. Mais, je pense qu’on pourrait aller un peu plus vite.

Vite, c’est-à-dire ?

Une fois qu’on a fait ce constat, ne pas rester bloqué sur une dizaine d’artistes qui doivent occuper cette place. Mais ça bouge un peu. Il y a des écoles qui commencent à intégrer des comédiens et des comédiennes minorisé.e.s. Il y a une prise de conscience de la part des programmateurs et programmatrices sur le nombre d’autrices présentes dans leur programmation, de metteuses en scène. On aura avancé quand, une femme, après avoir dirigé un CDN (ndlr : Centre dramatique national) aura le droit de diriger un autre lieu… Actuellement, quand une femme quitte un poste de ce niveau, après, c’est « ciao ! » …

« Une population invisible »

En fait, vous élargissez les luttes aussi. Vous le dites vous-même, vous êtes au croisement de plusieurs discriminations en parlant de « la violence de mon monde de grosse jeune femme noire picarde bisexuelle ».

Oui, j’essaie de parler à partir de tous les prismes que je représente, ce que l’on perçoit de moi et ce que je sais de moi. De travailler l’intime de manière critique et les rapports de domination. Mais je ne suis pas seule et il y a d’autres personnes qui ont des sujets proches, qui sont minorisées par la société, alors qu’on paye tous les mêmes impôts ! Une partie de la population est invisible.

Que pensez-vous du #MeToo spectaculaire du cinéma ? Le théâtre est un peu plus en retrait sur la question spécifique des agressions sexuelles ?

Pareil, c’est lent… Je sens une grosse résistance. On n’a pas envie de faire vaciller les gens de pouvoir. C’est très difficile pour plein de gens de remettre en question le système établi. Au théâtre, il y a des initiatives, des mesures qui sont prises. Dans tous les lieux où je passe, il y a une formation obligatoire au VHSF (ndlr : « violence, harcèlement, sexistes et sexuels »). C’est bien que le théâtre s’équipe de ce genre d’outils, qu’il existe des formations et des personnes référentes.

 
L’héritage Rodrigo Garcia

On parle souvent de votre filiation avec l’espagnol Rodrigo Garcia qui a dirigé le CDN de Montpellier.  

Quand j’étais à l’université, une professeure m’avait emmenée voir son travail. Ça a été un déclic sur la possibilité d’être dans une présence et des actions réelles au plateau, tout en étant accompagné d’un texte mais qui ne soit pas une fiction, du narratif. Rediscuter la notion de théâtre-même. Je me suis rasée la tête pour être figurante dans « Et balancez mes cendres sur Mickey » en 2007. Ensuite, j’ai fait un stage de 3 semaines avec lui dont le principe était de se débarrasser des metteurs en scène… Et ça a été une forme de tremplin vers mon travail de spectacle performatif. Rodrigo Garcia m’a encouragée dans mon travail d’écriture. Il y a une forme d’héritage (en photo Golgota Picnic, son oeuvre-phare).

     
« Une domination sur les corps »

Dans « Plutôt vomir que faillir », la pièce donnée au théâtre Jean Vilar, vous vous adressez pour la première fois aux jeunes (photo ci-dessus).

Je m’adresse à tout le monde. Mais je l’ai créée pour que les plus jeunes, à partir du collège, puissent accéder à mon travail. Dans mes spectacles, on retrouve souvent des sujets difficiles avec un traitement qui peut être parfois violent, avec de la nudité. L’idée était de faire quelque chose d’accessible plus tôt et qui parle de l’adolescence aussi. Donc un public visé et aussi un sujet de recherche.

Pour leur dire quoi alors ?

Que nous avons tous souffert de domination à un moment. Il y a une domination des adultes sur les corps enfants et adolescents. Un « adultisme » qui fait qu’on n’a pas de rapport d’égal à égal, que les adultes fabriquent de la honte et de la peur chez les adolescents. Sans plonger dans le mauvais côté des choses, il faut se dire qu’un adolescent a une sexualité comme moi. Peut-être essayer de le respecter plus, lui donner des outils le plus tôt possible pour construire son identité en étant fort. Accueillir la transformation du corps et les émotions autrement qu’en disant : « Tu fais ta crise d’ado ! Tu ne sais pas, tu ne peux pas comprendre, tu es trop jeune, tu es moche« . Questionner cette autorité.

(*) Huit femmes noires performent pour dénoncer les stéréotypes et fantasmes que les blancs portent sur les corps noirs dans « Carte noir, nommée désir », qui a déclenché cyberharcèlement, agressions verbales (« on est chez nous ! ») et physiques (un spectateur a frappé l’une des interprètes quand, dans un jeu avec le public pour faire deviner le mot « colonisation », des performeuses ont pris les sacs de spectateurs.trices).

« Plutôt vomir que faillir » du 6 au 8 mars au théâtre Jean Vilar/Photo de UNE @Su Cassiano/ »Plutôt vomir que faillir » @Marikel Lahana.

COLLOQUE

 

Pénélope Dechaufour :

« Rébecca Chaillon apparaît aujourd’hui comme emblématique de cette nouvelle scène décoloniale »

 

LOKKO : Vous êtes maîtresse de conférences en études théâtrales à Paul Valéry, un des rares départements dédiés au théâtre dans les universités françaises, hors Paris. Et vous organisez vendredi un colloque sur les écritures et les scènes décoloniales autour de Rébecca Chaillon. Qu’est-ce qui vous motive à porter un tel thème au cœur de la recherche universitaire ? Est-ce une spécialité distinctive de la faculté montpelliéraine ?

PÉNÉLOPE DECHAUFOUR : Justement, ma source première de motivation en organisant ce type d’évènement ce sont les étudiant·e·s du Département Théâtre et spectacle vivant de l’Université Paul Valéry Montpellier 3 ! Et puis, il faut dire que ce thème est de plus en plus présent sur les scènes contemporaines et qu’il correspond à ce sur quoi je travaille depuis plus de dix ans maintenant. Lorsque je suis arrivée ici en 2019, après avoir longtemps travaillé sur les dramaturgies d’Afrique subsaharienne francophone à la croisée des études théâtrales et des études postcoloniales, j’évoquais très fréquemment le travail des artistes afrodescendant·e·s dans mes cours.

Un jour, une discussion s’est engagée avec des étudiant·e·s de Master autour des polémiques liées à la manière dont les théories décoloniales sont perçues en France. Les étudiant·e·s se posaient beaucoup de questions par rapport à ces polémiques dont on ne rend pas toujours bien compte, avec toute la complexité qu’elles supposent pourtant. Ce sont les étudiant·e·s qui m’ont demandé s’il était possible d’avoir un cours sur ce thème et c’est comme ça que le cycle « Écritures et scènes décoloniales » est né. Je pense que la recherche universitaire est l’endroit du questionnement, du dialogue mais aussi de la découverte.

Sur des sujets aussi actuels, il me semble fondamental de déborder du cadre du cours et l’organisation de journées d’études ou de colloques permet aussi d’ouvrir des espaces de rencontre avec des paroles et des pensées que les étudiant·e·s n’auraient pas forcément eu l’occasion de connaître autrement. C’est aussi à travers ces évènements, et en faisant entendre le travail d’autres collègues de la recherche, que l’on peut se situer à l’endroit de la complexité que j’évoquais tout à l’heure. Par ailleurs, ce qui me motive à porter un tel thème au cœur de la recherche, c’est ma formation qui, comme je le disais, est liée à ces questions. Mais c’est aussi l’inventivité et les gestes artistiques inouïs qui se font jour désormais et qui produisent des chocs que j’ai envie de partager, notamment avec les étudiant·e·s. Après, je pense aussi que celles et ceux qui suivent nos cursus aujourd’hui sont celles et ceux qui feront le théâtre de demain et il me semble que les artistes qui posent aujourd’hui la question décoloniale par la scène appellent à envisager d’autres pratiques théâtrales, d’autres modèles aussi… Si le théâtre doit changer de visage, il est important que la jeunesse soit impliquée dans le processus dès maintenant car c’est un processus très long.

 

« La notion de wokisme fait l’objet de beaucoup de récupérations »

Les universités françaises ont été sous la pression ces dernières années de courants postcoloniaux, féministes et minoritaires, ce qu’on a appelé le wokisme. Qu’en est-il à la faculté ?

Ça dépend de ce que l’on entend par wokisme. Mais je ne dirais pas les choses de cette manière. Pour moi, ces dernières années, les universités françaises se sont ouvertes et enrichies de nouvelles approches qui existaient ailleurs depuis déjà bien longtemps. La notion de wokisme fait l’objet de beaucoup de récupérations et est associée à une forme de dogmatisme dans lequel je n’ai pas le sentiment d’évoluer. Si l’on peut faire des reproches à l’institution universitaire, il faut aussi souligner que les universités ont toujours été des endroits de réflexion et de prise de conscience.

Les formations en sciences humaines et sociales ont aussi pour vocation d’aiguiser l’esprit critique en travaillant sur ce qui constitue notre contemporanéité qui est elle-même marquée par le changement, une évolution à laquelle nos propres travaux aspirent à contribuer a priori. Les formations artistiques, en particulier, comme les études théâtrales, favorisent la libre expression de chacun·e en s’inscrivant à rebours de toute uniformisation. Peut-être que, parfois, cela peut donner lieu à des réactions qui s’expriment de manière vive parce que notre monde est effectivement marqué par des violences et des injustices insoutenables. Il ne me semble pas que cela puisse être assimilé à des pressions. Mais dans tous les cas, l’essentiel est d’aborder les choses dans toute la complexité qu’elles requièrent et en ne perdant pas de vue que le dialogue est toujours un processus.

 

« Comme moi, Rébecca Chaillon a fréquenté le séminaire de Sylvie Chalaye »

Vous avez construit ce colloque autour de Rébecca Chaillon. En quoi est-elle une figure de cette scène « décoloniale » ?

L’évènement de vendredi 8 mars ne porte pas exclusivement sur le travail de Rébecca Chaillon. Il s’agissait pour moi de saisir l’opportunité de sa présence avec Plutôt vomir que faillir, pour organiser une rencontre avec les étudiant·e·s et inviter des collègues qui s’intéressent au théâtre contemporain à travers le prisme de la pensée décoloniale, à présenter les travaux issus de leurs recherches. Cela permet donc de découvrir, au-delà du travail de Rébecca Chaillon, de nombreux·ses autres artistes qui créent aujourd’hui dans des perspectives similaires de par le monde.

Il me semble que tout comme moi quelques années plus tard, Rébecca Chaillon a fréquenté le séminaire de Sylvie Chalaye à l’Université Sorbonne Nouvelle. Cette chercheuse formidable qui est une véritable pionnière sur les questions de représentations de l’altérité au théâtre mais qui a aussi contribué à rendre visible les dramaturgies d’Afrique et des diasporas dans le paysage du spectacle vivant en France, m’a personnellement permis d’entrer en contact avec des écritures dont on ne m’avait jamais parlé auparavant alors même que j’avais passé mon enfance entre la République Démocratique du Congo et la Martinique.

Ce séminaire a toujours joué un rôle important et favorisé les rencontres. Je me rappelle, par exemple, du passage d’Amandine Gay lorsqu’elle tournait Ouvrir la voix ou encore de Bintou Dembélé au moment où elle créait Z.H. Le texte de présentation de la journée d’étude « Écritures et scènes décoloniales : quelles modalités esthétiques, quels imaginaires scéniques ? (III) Perspectives intersectionnelles » mentionne de nombreux·ses artistes. Mais il est vrai que Rébecca Chaillon apparaît aujourd’hui comme emblématique de cette nouvelle scène décoloniale. Elle porte la parole de toute une génération de femmes afropéennes qui ne veulent plus subir un quelconque carcan et elle le fait d’une manière à la fois frontale -directe, explicite- tout en s’impliquant, car elle engage son corps dans des performances qui sont souvent très difficiles. Les spectacles qu’elle propose sont particulièrement inventifs et jouent de tous les outils qu’offrent la scène en mêlant texte, danse, cirque, musique, arts plastiques… Rébecca Chaillon créé des images de manière très astucieuse, très audacieuse et aussi très poétique ! Elle déploie un imaginaire à la fois surprenant et pourtant ancré dans des éléments du quotidien. En cela, c’est un travail qui peut parler à beaucoup de personnes et qui est de plus marqué par une dimension queer qui rassemble.

 

« Je condamne ce qui s’est produit à Avignon »

Qu’avez-vous pensé de la polémique autour de « Carte Noire nommée désir » au festival d’Avignon ? Comment l’analysez-vous ?

Tout d’abord je tiens à condamner ce qui s’est produit, car au-delà de la « polémique », ce sont de réelles menaces et des agressions physiques et verbales qui ont eu lieu. Nous sommes dans l’espace du théâtre et on ne peut pas dire que les esthétiques performatives soient nouvelles, surtout en Avignon ! La diffamation dont le spectacle a fait l’objet montre à quel point ces questions sont sujettes à des récupérations politiques et tout cela est absolument intolérable. Après, il faut tout de même souligner que le spectacle avait été joué ailleurs auparavant et qu’il a été joué après sans que cela ne déclenche autant de violences. Cela dit quelque chose du type de cérémonie qu’est peut-être devenu le In d’Avignon.

Cette situation me ramène quelques années en arrière autour d’un moment qui a été constitutif de l’association « Décoloniser les Arts ! » à laquelle Rébecca Chaillon a d’ailleurs contribué. C’est notamment autour de la contestation vis-à-vis de l’installation-performance de Brett Bailey, Exhibit B, qui avait été programmée au TGP à St Denis, que s’est fondée l’association, alors même que quelques mois auparavant on avait pu découvrir cette proposition à Avignon sans que cela ne déclenche de protestations. Je crois que ces réactions très contrastées du public avignonnais, d’un spectacle à l’autre, témoignent justement du fait que le travail de Rébecca Chaillon touche un point sensible et qu’elle a visé juste. Ces réactions reflètent les rapports conflictuels que nous entretenons encore avec des mécanismes de domination et des pans de l’histoire que certains peuvent croire dépassés, alors que ce n’est pourtant pas le cas.

 

JOURNÉE D’ÉTUDE : « ÉCRITURES ET SCÈNES DÉCOLONIALES : QUELLES MODALITÉS ESTHÉTIQUES, QUELS IMAGINAIRES SCÉNIQUES ? PERSPECTIVES INTERSECTIONNELLES », ce vendredi 8 mars, de 9h à 17h, Salle St Charles 2 Caryatides, Montpellier.

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