La ZAT 2024 n’aura pas lieu. Prévue ce mois-ci, elle a été annulée. L’une des rares nouveautés dans le domaine culturel à Montpellier depuis quelques années fait les frais de la rigueur budgétaire. L’incertitude est totale sur l’avenir de la manifestation.
La décision a été transmise au directeur artistique de manière sobre. Ont été évoquées des « raisons budgétaires » et aucune indication pour les années à venir, 2025 et 2026. Ce n’est pas un bon signe pour une manifestation qui se prépare au moins un à l’avance. Et c’est une surprise.
Alors que Michaël Delafosse s’efforce de maintenir les budgets de la culture, désespérément contraints, l’annulation pure et simple de la manifestation interroge. D’autant plus que c’est le maire actuel qui avait redonné vie à cet événement en 2022, éteint alors depuis 3 ans (photo). C’est également lui, qui, en 2010, alors adjoint à la culture d’Hélène Mandroux, avait permis l’émergence de cette manifestation singulière qui explore une forme de génie sensible des lieux qu’elle investit. Où il s’agissait de « mettre le quartier en récit, de stimuler l’imaginaire urbain, faire surgir l’extraordinaire au cœur du quotidien« . Pas tout à fait des arts de la rue bien qu’étant assimilés à ceux-ci.
A leur tête de 2010 à 2014 : Pascal Le Brun-Cordier, professeur associé à l’École des arts de la Sorbonne, grand spécialiste français de l’urbanisme culturel qui prône le réenchantement des villes par la culture. Une approche innovante, un vocabulaire neuf pour des propositions « manifestives » assez passionnantes.
A l’époque, deux ZAT étaient programmées par an. La ZAT des origines s’est déployée durant huit éditions marquantes à Antigone, à Malbosc, à Méric, à la Paillade… On se souvient d’espace public transcendé, de nuits magiques et d’artistes singuliers.
Avec l’arrivée de Philippe Saurel à la mairie de Montpellier, Pascal Le Brun-Cordier est remercié, apprenant son départ par les réseaux sociaux. Plusieurs directeurs artistiques se sont succédés. La magie n’opérait plus. On était parfois à la limite de la kermesse. Si ce n’est peut-être, en 2019, la centaine d’artistes dans la ville à l’initiative de Nicolas Bourriaud, alors directeur du MOCO. Puis à nouveau, un long tunnel de trois ans.
En 2022, c’est le retour du fondateur parisien avec une ZAT organisée dans le quartier même où elle est née, douze ans auparavant : Antigone. Le succès déborde l’organisation. 80 000 et 100 000 personnes estimées. En revanche, l’édition 2023 était plus bancale (photo). L’événement qui avait été obligé d’intégrer le lancement de la gratuité du tramway avait paru assez disloqué. La commande politique l’avait déplacé très très loin de son ADN originel.
Commentaire de Agnès Robin, adjointe à la culture de la ville de Montpellier : « Nous sommes dans une situation de forte contrainte financière liée à l’inflation, au coût de l’énergie, de l’emprunt. Plutôt que de réduire les budgets dans le domaine de la culture, nous avons décidé de supprimer un projet pour pouvoir permettre aux autres de se poursuivre comme le 30ème anniversaire du théâtre Jean Vilar, les résidences artistiques, le projet Mille Formes, l’extension du cinéma Nestor Burma, des archives etc… Et ainsi de continuer à financer au même niveau l’ensemble des structures culturelles, des plus petites aux plus grandes, de la ville. Pour les années à venir, on souhaite être en mesure de l’organiser à nouveau ou de la faire tous les 2 ans -c’est aussi une option- mais compte tenu de l’évolution des choses, nous restons prudents« .
Pour la collectivité qui pilotait cette manifestation en régie directe, c’est une économie de 700 000€. Des moyens, en hausse depuis deux ans, qui faisaient des envieux à Montpellier. Avec l’annulation de cet événement populaire s’esquissent aussi des arbitrages esthétiques au profit de formes dominantes, au public souvent moins diversifié, qui posent question. Pourquoi le sacrifice d’une seule manifestation ? Pour ne pas heurter l’establishment culturel en place ?
Pas de ZAT mais un spectacle dans son esprit : Pascal Le Brun-Cordier a organisé la venue en France de LOStheULTRAMAR de la compagnie mexicaine Foco alAire, une « déambulation hypnotique se transformant en un bal joyeux et doux, un cortège d’émotions porté par huit comédiens et des rythmes lancinants« .
Le samedi 27 avril à 12h et 16h au Parc Font-Colombe (dans le cadre de l’Agripartie), et dimanche 28 avril à 12h et 16h au bassin Jacques Cœur (dans le cadre de Vivre Port Marianne, en partenariat avec la Maison pour Tous Frida Kahlo).
Gratuit.
Photos Cécile Mella. A la UNE : Borealis de Dan Archer, lors de la ZAT 2023.