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La BD sur Instagram : une révolution pour le neuvième art  

Depuis 10 ans, la bande dessinée a trouvé sur les réseaux sociaux un nouvel espace d’expression et de partage. Des dessinateurs chevronnés, tels que Boulet ou Pénélope Bagieu, mais aussi des néophytes, comme Théo Grosjean, Joachim Sanselme, Emma Clit, Lisa Mandel ou Salomé Lahoche, y voient un merveilleux outil de création et de diffusion.

Au début des années 2010, les blogs règnent en maîtres sur la diffusion de bandes dessinées : chaque dessinateur en a un, sur lequel il publie le plus souvent des strips autobiographiques humoristiques. La production numérique de bande dessinée se concentre ensuite sur les plateformes de lecture en ligne, comme Webtoon, sur lesquelles des livres parus en album sont numérisés et commercialisés.

 

Strip de Salomé Lahoche sur sa découverte des blogs

 

La production et la diffusion de bandes dessinées par et pour les réseaux sociaux est relativement récente : elle voit le jour après l’essor d’internet et l’apparition des blogs, et se développe sur le média le plus adapté au partage d’images, Instagram.

La bande dessinée a très vite su tirer parti de sa métamorphose : dans un monde ultra-connecté, les minis BD de nos auteurs préférés sont accessibles en un effleurement du pouce.

Les médias sociaux sont devenus bien plus que de simples espaces de diffusion : ils ont développé un cadre stylistique et sémiotique qui leur est propre, en se transforment en véritables acteurs de la création artistique.

L’accès au contenu étant gratuit, de véritables communautés se constituent : les artistes travaillent ensemble et mettent en avant leurs publications respectives. Mais l’interaction avec le lectorat reste la clef de voûte de ce mode de partage, et elle est largement favorisée par les outils proposés par le réseau social. Ainsi, les utilisateurs sont constamment incités à partager, liker, commenter à profusion ; autant de fonctionnalités et de modalités de diffusion héritées de la blogosphère.

Le format qui cartonne est celui de l’anecdote autobiographique, que l’on peut lire sans se soucier de la temporalité ou d’un quelconque ordre narratif, et dont la parution est fluctuante.

La consécration d’Instagram

Chaque réseau social constitue une facette de l’immense boule disco sobrement nommée Internet, et chacune de ces facettes reflète un type de contenu bien particulier : la vidéo pour TikTok, le texte pour Twitter, l’image pour Instagram…

L’application apparaît en 2010. Elle mettra quelques années avant de s’imposer en tant que principal réseau social de partage d’images fixes, et être ainsi prise d’assaut par le neuvième art. Déjà initiés aux codes d’internet par leur expérience du blog, les artistes se sont vite essayés à ce nouveau système de socialisation, dont le nombre d’utilisateurs (et donc de potentiels lecteurs) ne cesse de croître.

Associant culture visuelle et exigence esthétique, le réseau s’avère aussi plus approprié au genre. Sa simplicité d’utilisation et son imposante communauté ultra-connectée et hyper-réactive sont les ultimes ingrédients de son triomphe.

 

Strip de Joachim Sanselme sur le ressentiment avec Nietzsche

 

Sur Instagram, la BD obéit à une interface particulière et à des règles strictes : les publications doivent s’insérer dans un cadre rigide, carré, et elles peuvent atteindre un maximum de dix slides mises bout à bout, que l’on fait défiler en balayant l’écran du doigt. Cette nouvelle ergonomie révolutionne le format classique de la bande dessinée en supprimant le format de la planche : sur Instagram, une case de BD se transforme en une slide.

Cette esthétique novatrice permet des effets de surprise et joue avec l’attente du lecteur : le périchamp s’évanouit pour concentrer le regard sur une case unique à la fois, et les auteurs disposent ainsi d’une plus grande maîtrise de la temporalité du récit.

Instagram a vraiment offert aux créateurs une palette d’outils numériques et narratifs totalement inédits et résolument modernes, et les codes s’en trouvent chamboulés, pour le bonheur du consommateur. Le réseau social a permis l’éclosion d’une bande dessinée protéiforme, mais aussi caractérisée par l’éclectisme de ses thématiques.

 

Strip d’Emma Clit sur les origines du Rassemblement National 

 

Une nouvelle édition

De nombreux talents éclosent grâce à Instagram, fidélisant leur lectorat par la plateforme, et parvenant ensuite à se faire publier. Les dessinateurs de BD prennent goût à cette proximité nouvelle avec leurs lecteurs et en font un axe central dans leur travail. Logiquement, un nouveau secteur de l’édition va émerger.

En 2020, l’illustre autrice de bande dessinée Lisa Mandel (créatrice du chef-d’œuvre Nini Patalo) fonde la maison d’édition alternative Exemplaire : « une structure éditoriale hybride, entre l’édition classique et l’autoédition ». Son ambition est de « remettre l’artiste au centre de sa production, en lui proposant plus d’autonomie et un meilleur pourcentage sur les revenus générés par ses livres ». Elle propose un modèle économique novateur, qui s’appuie sur le financement participatif : « la production du livre est conditionnée par un système de prévente où l’auteur·ice mobilise son réseau de lecteurs·ices pour atteindre son objectif financier », notamment par le biais d’Instagram.

 

Slide 1 du Strip de Lisa Mandel sur la création des éditions Exemplaire 

 

Le but de ce projet est de permettre aux dessinateurs de BD de vivre de leur métier, comme réponse à la précarisation grandissante qui touche la communauté. En 2016, l’étude menée par les États Généraux de la Bande Dessinée démontrait que 36 % de la profession vivait en dessous du seuil de pauvreté ; et on peut supposer que ce pourcentage n’a fait qu’augmenter en huit ans.

De nombreux auteurs renommés ou prometteurs ont déjà rejoint les rangs de la maison Exemplaire : Théo Grosjean, Boulet, Pochep, Lucile Gomez, Salomé Lahoche, Félix Auvard… Et tout porte à croire qu’ils constitueront bientôt une grande armée qui partira à l’assaut du système d’édition classique !

Les auteurs à suivre

Voici une liste non exhaustive d’auteurs de BD sur Instagram et de leurs sujets de prédilection :

Boulet (@bouletcorp) : humour, autobiographie, actualité – Lisa Mandel (@mandel_lisa) : humour, autobiographie, actualité – Théo Grosjean (@theo.grosjean) : humour, autobiographie, romance – Margaux Motin (@margauxmotin) : humour, actualité, mode – Lucile Gomez (@lucilegomez) : autobiographie, féminisme, politique – Félix Auvard (@felix.auvard) : humour, autobiographie – Salomé Lahoche (@salomelahoche) : humour, autobiographie – Petite cuillère tordue (@petitecuilleretordue) : humour, autobiographie, politique – Joachim Sanselme (@joachim_sanselme) : philosophie, psychologie, vulgarisation – Emma Clit (@emma_clit) : politique, sociologie – Adrien Yeung (@adrienyeung) : humour, autobiographie, actualité – Clémence Sauvage (@sauvage.clemence) : autobiographie, humour, LGBT+ – L’homme étoilé (@l.homme.etoile) : humour, médecine, actualité

 

A la Une @ete_bd sur Instagram / Les illustrations ci-dessus ont toutes été publiées sur Instagram.

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