Festival de Radio-France : puissances féminines pour le Stabat Mater de Rossini

La soprano sud-africaine Pretty Yende et l’italienne Clelia Cafiero (photo), qui dirigeait l’Orchestre national de Montpellier, ont irradié dans la dernière grande soirée classique du Festival de Radio-France, diffusée en direct sur France Musique, avec le mystique Stabat Mater de Rossini au programme.

Le millésime 2024 du Nouveau Festival Radio France Opéra Montpellier peut revendiquer un programme de bonne facture. Le pari d’équilibrer innovation et grandes œuvres du répertoire est rempli : une œuvre inédite de Ravel, des pièces mythiques de Bach, Mozart, Beethoven mais aussi des grands noms du Jazz, une version restaurée du Napoléon d’Abel Gance et les concerts de AIR et de Jeanne Added signent une volonté de diversité tout en s’appuyant sur des œuvres incontournables appréciées du grand public. 

La dernière grande soirée classique du Festival proposait le Stabat Mater de Rossini. Une pièce qui tient une place particulière dans l’œuvre du maître italien : déçu et découragé par l’accueil mitigé de son opéra Guillaume Tell en 1829, Rossini glisse peu à peu dans ce que notre siècle appellerait un syndrome dépressif. Celui que l’on décrit comme épicurien, amoureux sensuel des femmes et de la cuisine ( le fameux tournedos Rossini a été créé à sa demande) sombre dans l’inaction et cesse de composer pendant de longues années. En 1842, il sort de cette apathie et reprend pour la terminer, une partition débutée en 1831, consacrée à la douleur d’une mère assistant au pied de la croix à l’agonie de son fils. 

Matière à controverse dès le départ, sa vision du thème religieux divise : les tenants d’une musique liturgique empreinte de sacré s’opposent aux auditeurs conquis par l’écriture théâtrale et la sensualité de la partition. Musique sacrée ou profane, le débat reste ouvert mais semble futile au yeux de la jeune chef italienne Clelia Cafiero qui a visiblement des intentions de direction bien arrêtées et tout à fait justifiées. Elle appartient à cette nouvelle génération de musiciennes talentueuses  (elle est à la fois pianiste soliste et chef d’orchestre) qui trouve enfin toute sa place dans un monde trop longtemps verrouillé par le genre masculin. 

C’est une petite silhouette mince et gracile qui s’avance face à une véritable machine de guerre : à la tête d’une soixantaine de musiciens et autant de choristes, elle impose avec une volonté farouche et une précision millimétrée une direction aussi attentive aux effets de brillance qu’au cheminement mystique.  

Sous sa baguette, l’orchestre montpelliérain livre une version ambitieuse et très musicale de l’œuvre avec une impeccable maîtrise. Un brio partagé par les chœurs de l’Opéra de Montpellier associés à ceux du Capitole de Toulouse, qui assurent une belle qualité tant dans l’enthousiasme des forte que dans le velouté des piani. 

La formidable soprano sud africaine Pretty Yende (que le grand public a pu découvrir lors du couronnement de Charles III d’Angleterre dans l’Abbaye de Westminster) irradie sur la scène de l’Opéra Berlioz. Son solo « Inflammatus et accensus » en duo avec le chœur parvient à associer les extrêmes : l’éclat de la théâtralité et le recueillement de la foi. 

La mezzo Gaëlle Arquez offre une magnifique interprétation du « Fac, ut portem  » son timbre chaleureux colore les graves d’harmoniques profonds et les aigus d’une formidable puissance lyrique. 

Face à ces deux puissances féminines, les solistes masculins relèvent le défi : un beau timbre de ténor pour Magnus Dietrich (photo) qui aborde le « cujus animam » avec la certitude tranquille du vainqueur. 

Michele Pertusi intègre à la partition de basse une grande finesse d’interprétation. Le solo  « Eia mater  » qu’il interprète avec les chœurs est un exemple de maîtrise et de musicalité. 

Photos Marc Ginot.

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