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À Montpellier, l’avènement swing

La 5ème édition de Swinging Montpellier, du 19 au 21 juillet, a fait la démonstration d’une vitalité particulière du swing avec une fréquentation de 9000 personnes sur le week-end et 25 nationalités présentes. Pourtant, un genre assez sous-estimé à Montpellier.

On entendait vraiment toutes les langues dans les cours donnés sur des parquets dans les allées latérales du Peyrou, à l’ombre des platanes : espagnol, italien, anglais, et des adeptes venus d’une vingtaine de pays et de toute la France -Lille, Toulouse, Paris- dont un groupe motivé de l’association Swing On Mars de Marseille. Près de 1000 élèves inscrits.e.s de tous âges, avec une légère majorité de femmes. Un couple de professeurs internationaux avait été attribué à chaque groupe de niveaux différents dans le cadre des Master Class + des initiations gratuites.

Ce qu’on apprend d’abord c’est le « bounce », cette manière de danser bondissante en pliant les genoux, avec un jeu de jambe ultra-technique, typique du swing. On s’approche du corps de son partenaire pour bien comprendre son guidage avec toutes les instructions verbales de rigueur dans les cours pour une attitude « safe ». Une « dansualité » assez proche du mouvement Free Hug, qui fait la promotion du contact physique de manière platonique.

Cette danse « sociale », ou de société, se pratique en couple avec un leader -souvent un homme- qui impulse la danse et un follower, souvent une femme. Une danse assez genrée -à rebours de l’époque donc- même si de plus en plus de femmes endossent le rôle de leaders. Plus féministes dans leur vocabulaire, les Canadiens préfèrent les noms de « guideurs » et d’ »interprètes ». Mais le swing se pratique aussi en solo. C’est ce qu’on appelle le « solo jazz ».

Pendant tout le week-end, on a retrouvé à Montpellier les grands noms de la spécialité qui parcourent les festivals mondiaux comme Felix Berghäll, américano-suédois, le couple suisse-italien Bianca Locatelli et Nils Andrén ou encore Alice Bourgasser et Michel Campeau de Montréal.

Ici, en vidéo, le gala des professeur.e.s et artistes invité.e.s. 

C’est quoi le swing ?

Le swing est un style de musique qui est un des courants du jazz. La danse qui lui correspond en regroupe en fait plusieurs : le lindy hop, sa forme majeure, à l’origine une danse de rue, qui s’est développée à Harlem au sein de la communauté noire mais aussi le charleston dont il s’inspire, les claquettes, et des variantes de danse africaine.

Avec la sortie de films tels que « The Artist » ou « La La Land » ou surtout parce que l’époque est morne et agressive, la joyeuse danse swing est à la mode. A Montpellier, les bals de l’association Swing Jammerz à la halle Tropisme (près de 400 adhérents réguliers) attirent un gros public, chaque mois, tout comme les soirées du jeudi au Gazette Café de l’association Montpeul Swing. Pas loin c’est la très cotée Jam de Barcelona, ou le Swing’N’Milan, qui sont des rendez-vous prisés de la famille du swing.

A la tête du festival, une femme déterminée, Lorène Delcor, associée de l’agence événementielle Listen’Up, qui s’est assurée d’une montée en puissance de la manifestation qu’elle a lancée en 2019 en proposant la direction artistique du festival au montpelliérain Rémy Kouakou Kouamé (en chemise blanche sur la vidéo ci-dessus), un des meilleurs mondiaux dans cette discipline. 

Bienveillance et sens de la fête

Joie, énergie, simplicité, bienveillance et sens de la fête : cette 5ème édition a confirmé un état d’esprit et surtout un énorme engouement populaire avec des after bondés à l’hôtel Jost dans le nouveau Saint-Roch et des Food Trucks pris d’assaut sur le Peyrou… 

Des cours et des bals principalement. Il y avait un monde fou, presque à l’étroit, sur le parquet central du Peyrou, pour des sessions animées de jour et de nuit en live par 6 formations : le Caroline Reapers Swing, Swing Up Orchestra, l’Orchestre syncopatique, Emilie & The Shiny Bunch et Bum Betty.

Et des compétitions. Pour l’une d’entre elles, on avait invité les danseurs et danseuses à créer leur chorégraphie sur un morceau de Count Basie, puis à l’envoyer sous un format vidéo. Les meilleures propositions ont été sélectionnées pour une finale qui s’est déroulée pendant le festival.

Ici, la finale de la Battle All styles entre Devon (gagnant) et Gaëlle.

Et aussi, pour la première fois : une « Battle All Styles », qui opposait, dans une ambiance survoltée, des danseurs et danseuses de swing face à des compétiteurs et compétitrices de break dance. Où l’on a pu voir les similitudes entre les deux genres, le hip hop étant un héritier du swing -ce qu’on sait peu-, tout comme le rock, qui a prospéré en genre de danse pour blanc.

Une réappropriation culturelle

C’est là que le festival affirme une mission plus « politique » qui va au-delà du simple plaisir de la danse de couple. Danse-mère, patrimoniale, le swing est en pleine réappropriation culturelle. Swinging Montpellier s’inscrit dans une démarche portée par exemple par Marie N’diaye, qui a fait le déplacement à Montpellier depuis le Canada. Danseuse, enseignante et anthropologue, elle est à la pointe de ce courant de soutien aux danses jazz afro-américaines à travers le Collective Voices for Change et le Black Lindy Hoppers Fund.

A New York s’est ouvert, en 2004, un lieu dédié à la préservation et la diffusion de la musique et de la danse jazz, sur le modèle des grandes institutions consacrées à la musique classique ou à l’opéra que sont le Lincoln Center ou le Metropolitan. C’est le Jazz at Lincoln Center, tout près de Central Park, doté d’un centre de documentation, de deux salles de concerts, d’un club, et d’une formation musicale, le JALCO initié par le trompettiste Wynston Marsalis.

Des danseurs toulousains qui ont fait forte impression

Danse de rue centenaire en plein renouveau, dont la formation n’est validée par aucune institution reconnue d’État, qui entretient un lien fusionnel avec la musique, alors que l’omniprésente danse contemporaine a érigé sa singularité dans une déconnexion musique/danse : le phénomène swing peine à être identifié par les pouvoirs publics, actuellement assez timides dans leur soutien. Alors que le hip hop, lui aussi danse de rue, a franchi les hauts murs de la culture subventionnée, le swing reste à la marge. Le Peyrou a été mis à disposition de l’association mais la municipalité accorde une maigre subvention de 5000€ alors qu’elle affiche depuis quelques années une spectaculaire inclinaison africaine.

Swinging Montpellier, ici. swingingmontpellier@gmail.com. +336 60 80 63 08.

Photos Thierry Pletan, crédit Ektasud. Vidéos : Ariane Bonté.

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