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Le festival Palmarosa, un nouveau géant fragile

Après un lancement compliqué, la 3ème édition de Palmarosa impose le petit Rock en Seine montpelliérain avec un line up spectaculaire et une organisation à la hauteur. « Un grand festival pop, rock, indie » (indépendant) qui compte désormais à Montpellier, manquant cruellement de grandes manifestions dédiées aux musiques actuelles. Mais encore des questions sur son modèle économique et une fréquentation de 12 500 personnes au lieu des 24 000 personnes attendues.

On est rarement au courant des sueurs et douleurs qui précèdent un festival. Ancien volleyeur gardois et patron du mythique club Villa Rouge, John Bertrand pratique une communication directe et ouverte. Le fondateur et directeur du festival a beaucoup raconté les épreuves endurées pour son festival naissant, en contraste avec les productions rôdées des grands festivals de la ville, dont les tourments restent feutrés. L’adversité herculéenne démarre pour Palmarosa avec une version bêta en 2022 (à l’essai), assez électronique, avec Kavinsky (le DJ dont on a tant parlé à l’occasion de la clôture des JO avec son célèbre « Nightcall » chanté par Angèle). L’année suivante, en 2023, c’est max d’emmerdes. Grosses difficultés logistiques et canicule éprouvante.

Une édition maîtrisée

L’année 2024 est celle des ajustements. Toujours la même jauge -8000 festivaliers par jour- mais dans un espace deux fois plus grand dans ce domaine de Grammont qui porte la mémoire des mega concerts des Stones et U2 dans les années 90. Et des concerts décalés en fin d’après-midi pour éviter les pics de chaleur. Une deuxième scène. Des points d’eau supplémentaires, des points d’ombres et un brumisateur géant pour la chaleur (photo). 12 food trucks, 5 bars. De quoi mieux respirer, se rafraîchir et circuler. Passer d’un sitting woodstockien, à une immersion dans une foule compacte déchaînée devant la scène, tout en se baladant dans le village artisanal avec son lot de bandanas, de blousons vintage et de maquilleurs qui équipent les visages de paillettes pour les photos-souvenirs de jeunesse. Un village, un esprit, une parenthèse séduisante qui prolonge l’hédonisme de l’été.

Et toujours, un discours bio développé à tous les endroits : le recyclage de bouteilles de vin, les produits bio issus du circuit court et la mise à disposition de navettes pour éviter l’abus automobile. C’est un autre sujet mais le défi écologique est majeur pour ces rassemblements qui portent le paradoxe du gigantisme. Palmarosa n’a pas lésiné : il est le seul festival du sud de la France à recycler l’urine des festivaliers !

Sans oublier le dispositif Safer, salutaire. « Je suis gêné·e. Je suis harcelé·e. Je suis en danger » : je viens voir l’équipe dans la tente et je raconte ce qui m’arrive.

Coté programmation -ou line up- : du lourd, du très lourd pour un festival qui marche clairement sur les pas de Rock en Seine se déroulant au même moment dans le parc Saint-Cloud à l’ouest de Paris. Avec quelques grands noms programmés à Paris et Montpellier (toutes proportions gardées : Rock en Seine, mastodonte européen qui fête ses 20 ans, c’est 180 000 spectateurs !)

« Comment vont-ils pérenniser ? »

Satisfaction visible du côté des festivaliers, à quelques grincheux près, sur les réseaux sociaux. Florence, la cinquantaine confie à LOKKO : « j’ai trouvé le site petit, par comparaison à Rock en Seine qui est mon mètre étalon en la matière, mais organisation au top, parking Circé gratuit, infos au préalable précises, navettes nombreuses, ambiance décontractée, public de tous âges, on a craint pour se restaurer mais pas trop d’attente finalement. Mais comment vont-ils pérenniser cet événement puisqu’ils ont eu du mal à vendre leurs billets et ont dû casser les prix et même pour Gossip, j’étais au fond mais il y avait encore de la place pour du public, donc jauge pas remplie apparemment…« 

Adrien, trentenaire : « Pour moi, c’était très bien. Ils n’ont pas fait les mêmes erreurs que l’an dernier (une gestion catastrophique du public, du service aux bars…). C’était franchement agréable, on pouvait circuler, être proche de la scène sans trop de difficulté. Peut-être une prog un peu vieillotte dans ses choix mais qui fonctionne très bien. J’aurais aimé voir Royel Otis, Fontaines DC ou The Last Dinner Party pour rester dans une ligne indie rock. Phoenix, The Vaccines et Gossip ont été dingues ! J’ai presque retrouvé la chaleur du Tinals (This is not a love song, à Nîmes), un festival à hauteur humaine, pas un mastodonte noir de monde ! C’est super de voir ça à Montpellier à cette période » (en photo, Silly Boy Blue, Nantes).

Quel avenir ?

Quel est l’avenir de ce festival après cette édition réussie qui a donné « des cheveux blancs » aux organisateurs ? L’obligation de brader les prix à quelques jours du festival, faisant passer le pass d’une journée de 58 à 39 euros, et faisant de nombreux mécontents parmi ceux qui avaient payé le prix fort, n’a pas été un bon signe. Et la jauge visée (avec des recettes à la baisse) de 8000 personnes par jour n’a pas été « du tout complète » selon la formule de la communication du festival. De fait, la fréquentation a été de 12 500 festivaliers, la moitié de la jauge espérée, entraînant un déficit de 420 000 euros.

Communication insuffisante, concurrence à la même période de Rock en Seine (qui a aussi permis de signer des contrats avec quelques stars engagées à Paris au même moment), programmation trop ambitieuse, période à revoir qui paraît pourtant idéale ? Bien qu’ayant surmonté un bad buzz lié à une édition 2023 frappée d’amateurisme, un retour en 2025 est espéré. 

A la recherche d’un modèle économique viable, les organisateurs ont dû étirer la manifestation de 1 à 3 jours mais la marge d’évolution budgétaire ne paraît pas énorme. Comment consolider un budget qui s’élève à 1,8 millions d’euros (*) ? Une levée de fonds est envisagée par un pool d’actionnaires élargi. Appelées en renfort, les collectivités ont déjà fait leur part. Le Maire de Montpellier a été clair : le festival ne pourra pas marcher sur les pas de ce qu’il appelle « les autres festivals de la grande subvention publique » (l’aide est plutôt logistique : Montpellier Events a permis cette année à Palmarosa de profiter du Zénith pour y installer des loges) d’autant que les importantes perspectives de recettes liés aux bars excluent Palmarosa de la catégorie des manifestations publiques. Ce qui sous-entend que l’offre culturelle est relativement gelée du côté des musiques actuelles -parent pauvre de la culture- alors que Montpellier, une des rares métropoles dont les bars ferment à 1 heure du matin, a d’importants ressortissants très jeunes.

 

(*) 1,8M€, dont 51% des dépenses consacrées aux prestataires et 30% à l’artistique, et des recettes provenant à 61,44% de la billetterie et à 35,4% des bars et de la restauration et 3% seulement des collectivités locales et des sponsors (une cinquantaine d’entreprise privées).

Du lourd, du très lourd

Une vingtaine d’artistes se sont succédés, régionaux, français, mondiaux. Une programmation plutôt généreuse avec les montpelliérains : le trio Loons, sélectionné lors du Tremplin Crédit Mutuel, Kazy Lambist (photo ci-dessus), « un pur produit de Montpellier », avec sa pop charmeuse d’une élégance folle, Bandit Bandit, le duo formé par le guitariste Hugo Herleman et la chanteuse Maëva Nicolas, et sa chanson française énervée qui a fait grosse impression. Ou encore les épatantes Mixeuses solidaires pour les intermèdes électro.

Au sujet de la présence de certaines pointures, l’info a vite circulé depuis des semaines. Le groupe de garage rock suédois The Hives (ci-dessus), par exemple, avec leurs costumes noirs zébrés de blanc et leur vitalité du diable, qui ont galvanisé le public, le vendredi 23 août. Suivi par la pop classieuse et un peu lisse de Phoenix, l’une des formations françaises les plus connues dans le monde, très attendue après sa prestation lors de la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques (ci-dessous). Et un bain de foule mémorable de leur leader Thomas Mars, éternel jeune rocker transgressif chic. Belle première soirée.

Le samedi, la queen queer Beth Ditto avec son groupe Gossip, reformé après une dizaine d’années de silence, tentant un Français baroque (« mon cheveu est orange« ), divinement à l’aise dans son corps militant, grande voix de gamine radicale féministe, un peu plus sage, ou moins punk, ouvertement catastrophée par son propre pays « pire pays du monde » a été magnifique. 

Après elle, la classe de The Vaccines, l’un des groupes britanniques les plus importants et les plus adorés de sa génération, avec Justin Young, un leader/beau gosse mélancolique, a enchanté cette deuxième soirée (photo).

Et un final, le dimanche 25 août, en apothéose (malgré des changements de plateaux de dernière minute), avec une pop star britannique (ci-dessous) : le chanteur et pianiste Tom Odell (un Elton John plus subtil). 

A sa suite, le sulfureux duo The Kills (photo) : la blonde spectaculaire chanteuse américaine Alison Mosshart qui venait tout juste de Rock en Seine avec son guitariste anglais Jamie Hince. Enfin l’invraisemblable déluge sonore du groupe belge Soulwax.

Quant à l’orage annoncé du samedi soir, il a éclaté à la fin du dernier concert. Les dieux de l’indie rock cléments donc.

La captation du festival, c’est ici. Le site, ici

Photos : François Kohl (sauf le couple sous le brumisateur, copyright Palmarosa). 

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