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L’idée d’Arabesques est née en Palestine

Le festival Arabesques organise une journée, ce samedi 14 septembre, « Once upon a Time in Palestine » avec des artistes de la nouvelle scène palestinienne et un débat, le lendemain, avec l’ancien ambassadeur de la Palestine à l’Unesco, Elias Sanbar. Un Pass Palestine (*) permettra de financer l’accueil d’un musicien gazaoui pendant un an à Montpellier.  Des explications avec son directeur, Habib Dechraoui.

LOKKO : Vous êtes dans quel état d’esprit au festival, après ces mois d’une actualité épouvantable ?

HABIB DECHRAOUI : On est très affectés par le conflit. D’abord, c’est une zone qu’on connaît bien. Moi je m’y rends tous les ans. Nous y avons mené des collaborations avec des ONG, diverses fondations, ainsi que l’Institut français, à Gaza, à Jénine, à Ramallah. On connaît plein de gens touchés par ce qui arrive. Et surtout, on n’en voit pas la fin. On espère un cessez-le-feu et une pacification de la zone, une entente entre gens raisonnables sur l’avenir de cette région, mais on espère à moitié… C’est très dur.

   « Gaza, ce sont des gens qui me ressemblent »

En France, les tensions sont fortes, on parle d’une importation du conflit, de fractures, de communautés dos à dos, quel est votre ressenti ?

Je ne sais pas ce que ça veut dire importer un conflit. Il l’est de manière médiatique, et en conséquence, certaines personnes se sont senties concernées par l’Ukraine, identifiées aux Ukrainiens, mais c’est vrai aussi pour les Palestiniens, et les Israéliens. Ce qui est arrivé le 7 octobre est terrible et ce qui arrive à Gaza est terrible. Il n’y a pas de morts plus importants que les autres. On a le droit de pleurer les morts d’où qu’ils soient. Moi, j’ai été très secoué. Gaza, ce sont des gens qui me ressemblent, qui ressemblent à mes cousins, à mes cousines.

Pour autant, on ne vous voit pas aux manifestations montpelliéraines pour la Palestine. Ce n’est pas votre forme d’engagement.

Je souhaite que la Palestine puisse arborer son drapeau fièrement mais je ne vais pas, non, dans ces manifestations. J’ai ma façon de contribuer à l’épanouissement de ce peuple et surtout de ses artistes.

   « Insulter les élus, non… »

Mais je ne jette la pierre à personne. Tout le monde a le droit de manifester. Je ne trouve pas ça déconnant. Mais, pacifiquement. Insulter les élus, non…

Un grand débat dans le cadre de la journée « One upon a time in Palestine » permettra de réfléchir à ce conflit avec une discussion entre Elias Sanbar, ancien ambassadeur de la Palestine à l’Unesco, poète, traducteur de Darwiche, qui était présent dans les négociations de paix à Washington en 1992, et Farouk Mardam-Bey qui dirige la collection « Sindbad » chez Actes Sud sur le thème « La dernière guerre ? ».

Vous connaissez bien Gaza ?

Oui, j’y suis allé plusieurs fois. Arabesques a d’ailleurs été imaginé et pensé là-bas en 1999. La Palestine habite notre projet.

Vous avez pu entrer facilement à Gaza ?

Non, cela a toujours été très dur et la dernière fois, l’an dernier, on ne nous a pas laissé rentrer. Nous voulions y organiser une Fête de la musique, mais notre délégation, avec plusieurs partenaires français, placée sous l’égide de l’Ambassade de France, avec notamment l’Institut du monde arabe, a été recalé. Tout le monde sauf Jack Lang.

Vous connaissez des artistes, des musiciens morts à Gaza ?

Un des musiciens de Soul Band, gagnant du concours « Palestine Music Connect », il y 3 ans, a perdu des membres de sa famille à Gaza. J’ai aussi appris la mort d’une même famille d’intervenants qui travaillaient avec l’Institut français de Gaza.

   Un musicien gazoui pendant un an à Montpellier

Pour « One upon a Time in Palestine », le 14 septembre, les artistes palestiniens ont-ils pu sortir du territoire ?

On a eu un refus de visa pour un artiste palestinien de Jérusalem pour des raisons un peu floues mais les autres, de Bethléem, Haïfa, Ramallah pourront être là. On croise les doigts. Certains sont exilés à Londres, ou en Allemagne. On fait venir un artiste de Gaza avec sa famille, qui a réussi à passer en Egypte et la recette, on l’espère, nous aidera à financer son installation pendant une année à Montpellier où ses enfants seront scolarisés. Lui, sera impliqué dans l’association Unisons (ndlr : qui gère le festival Arabesques et mène des actions dans le quartier de la Paillade) pour un travail d’écriture et préparera un projet pour les 20 ans d’Arabesques en 2025. L’Ambassade de France à Jérusalem a beaucoup mouillé le maillot pour cette opération. Mais à terme, il veut retourner à Gaza ou ce qu’il en reste…

   « Musicalement, ce qui s’offre est hors du commun »

Il y a une vraie vitalité de la scène musicale en Palestine ?

C’est extrêmement riche. Souvent dans les pays, en situation de conflit, on constate une créativité débordante. Quelque chose qui trouve à s’exprimer par la musique. Et dans tous les styles, du plus contemporain, au répertoire traditionnel. C’est très prolifique. Ce qui s’offre est hors du commun, cette modernité parfois risquée à partir de traditions locales, c’est fascinant. Tous les pays sont concernés, de l’Egypte à la Syrie, et même l’Irak. En Palestine aussi. On reçoit par exemple Bashar Murad, une icône en Palestine. Un artiste qui ne fait pas toujours l’unanimité, étant ouvertement gay. En Palestine s’est aussi développée une scène émergente électro assez bluffante.

Vous avez un partenaire local, Al Kamandjati, cette association qui développe des écoles de musique, notamment à Gaza.

Elle fait un travail extraordinaire. Elle a des projets avec la Philharmonie à Paris ou la Friche de la Belle de Mai à Marseille. Nous avons visité leurs écoles de musique, à Jérusalem, à Jéricho également. Elle a formé énormément de jeunes musiciens palestiniens. L’école de Gaza, pas sûr qu’elle existe encore… 

« One upon a Time in Palestine », le 14 septembre au domaine d’O. 

(*) Pass Palestine, 39€.

En photo, à la UNE et en deuxième position : Bashar Mourad / crédits Adam-Thor-Murtomaa et Julie-Dakwar-Outfit-Rahme-Zughaiar, puis Rasha Nahas / crédit Vanessa-Marino, enfin Tarek-Abbouchi crédit DR. En concert le samedi 14 septembre à 18h et 21h au domaine d’O.

Le débat avec Elias Sanbar et Farouk Mardam-Bey a lieu le dimanche 15 septembre à 15h.

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