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Le féminisme à la recherche d’une mémoire

Les Journées du matrimoine, organisées du 18 au 21 septembre, par le comité HF + Occitanie, ont permis de découvrir au Diagonal un mini-documentaire de Nina Faure sur la reconquête de leur corps par les femmes qui passe par des séances collectives d’auto-observation. Elle s’est inspirée des rares documentaires issus du féminisme des années 70 qui avait promu ce mouvement dit “Self Help”. Dans le domaine de la mémoire filmique féministe, peu de choses. Et ce n’est pas un hasard.

Suite des Journées du Matrimoine, ici.

Une femme allongée, jambes écartées, s’entraîne à accueillir en elle un speculum, à l’enfoncer toute seule. Une lampe éclaire son vagin. Cette séance se fait sans gynécologue. Autour d’elle, des dizaines de femmes partagent cette expérience. Une scène forte du court-métrage “A notre santé” de Dominique Barbier, Josiane Jouet et Louise Vandelac, deux journalistes et une monteuse de cinéma. Dans une autre scène, une femme pompe elle-même ses règles en public. Une technique qui soulage la douleur mais entraîne aussi à pratiquer l’avortement soi-même. On y voit aussi les premiers accouchements à domicile en Californie avec des parturientes qui ont choisi d’accoucher à quatre pattes.

Le tournage a eu lieu en 1971 dans un couvent à Rome en Italie où se développait alors l’un des féminismes les plus virulents d’Europe. 300 femmes venues du monde entier y partagent leurs pratiques de l’autoexamen. C’est le mouvement “Self Help”, qui a émergé dans les années 1970 aux Etats-Unis. Initialement inscrit dans la lutte pour le droit à l’avortement et une contraception libre, il a évolué assez vite en une redécouverte collective de leur corps par les femmes, en réaction à la conception machiste de la médecine.

“Une beauté matrimoniale”

Un documentaire rare et particulièrement émouvant. A l’initiative de cette projection : Nina Faure (photo). La montpelliéraine est l’autrice d’un documentaire qui a marqué les esprits : “We are coming”, qui a connu une tournée triomphale dans les cinémas et a reçu une étoile de la Scam. Il évoque la montée en puissance du mouvement féministe. Elle y évoquait le livre “Notre corps, nous-mêmes”, un manuel de santé féministe, dont les protagonistes américaines, réunies dans le légendaire collectif de Boston, se trouvent dans ce petit film d’il y a plus de cinquante ans (“Our bodies, ourselves”). Une manière de s’acquitter d’une dette, une gratitude, une filiation.

Dans les années 60/70, il y a eu un important cinéma de femmes, des productions majoritairement alternatives. Ces films sont infiniment précieux bien que très fragiles techniquement“. Nina Faure aime parler de “beauté matrimoniale”. “Les féministes d’aujourd’hui, nous avons cette pression d’avoir à tout recommencer. C’est un soulagement de voir que cette transgression a déjà été faite” a commenté Nina Faure. “Se transmettre les savoirs est un fait important pour nous“.

Hélas, la filmographie féministe est inversement proportionnelle à l’importance du mouvement en France dans les années 60/70 : quasi inexistante, victime d’un effacement. Dans ce domaine, une référence : le centre audiovisuel féministe Simone de Beauvoir à Paris, initié notamment par Delphine Seyrig. Plus récemment, Big Tata, un réseau des bibliothèques et des centres d’archives LGBTQIA+ et bientôt un musée du féminisme à Angers. “Même sur Monique Wittig, les archives sont inexistantes. Le centre audiovisuel Simone de Beauvoir ne dispose que d’une émission d’Apostrophes”.

“Se réconcilier avec sa vulve”

Le parallèle est saisissant avec le court-métrage de Nina Faure, “Anatomie, Autonomie”, tiré de son documentaire “We are coming”, et présenté à la suite de “A notre santé”, où des femmes observent leurs vulves grâce à un miroir-loupe tout en échangeant leurs impressions. “A la découverte de nos sexes comme une carte au trésor” résume Nina Faure. On voit s’y opérer cette prise de conscience que les vulves des femmes sont le plus souvent filmées dans des cadres très assignés : des films d’accouchement ou bien du porno. Pas mal de conditionnements hérités et de rapports ambivalents avec son sexe sont à déconstruire. “Si j’avais vu ça au collège, ça aurait changé ma vie” confie une participante à cet “atelier d’auto-exploration” qui a eu lieu à l’initiative du très actif Planning familial de Marseille avec le concours du collectif Les Flux, militant “pour la réappropriation des savoirs gynécologiques“. Où il s’agit de “se réconcilier avec sa vulve“. A Montpellier, des ateliers sont organisés régulièrement au Quartier Généreux à Montpellier avec le collectif Les Flux.

(*) Le Centre audiovisuel Simone de Beauvoir a été créé en 1982 par Carole Roussopoulos, Delphine Seyrig et Ioana Wieder. Ces trois militantes féministes, toutes trois impliquées dans la pratique vidéo, ont mis au cœur de leurs objectifs la conservation et la création des documents audiovisuels qui ont alors pu être recensés concernant l’histoire des femmes, leurs droits, leurs luttes, leurs créations. 

“A notre santé” est visible au centre audiovisuel Simone de Beauvoir et disponible à la location sur la plate-forme Tënk. “Anatomie, Autonomie” est présenté à la demande dans les établissements scolaires et les cinémas (contact nina.faure@gmail.com)

Relire ici l’interview de Nina Faure au moment de la sortie de “We are coming”.

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