Du Mouvement des Gilets jaunes en 2018, aux manifestations en soutien au peuple palestinien tout récemment : les mobilisations récentes ont provoqué des atteintes importantes de la liberté de manifester et la liberté d’expression. Le Syndicat de la magistrature a édité un guide pratique pour informer les manifestants de leurs droits : « Le guide du manifestant arrêté ».
C’est un petit livre de 80 pages, format de poche, 10,5 x 16 cm. Son titre : Le guide du manifestant arrêté. Il est édité par Le Passager clandestin, qui résume ainsi sa ligne : « Pour éclairer celles et ceux qui refusent l’ordre établi ». Il a été réalisé par le Syndicat de la magistrature (29 % des voix aux élections professionnelles) qui milite « pour une justice indépendante, protectrice des libertés et égale pour tous ».
Un droit constitutionnel
‘’Manifestant arrêté’’ ? « Ca ne me concerne pas », pensent ceux qui ne battent jamais le pavé. Voyons les choses sous un autre angle : donner à chacune et chacun la capacité d’exercer pleinement sa citoyenneté. A sa guise. En effet, le droit de manifester fait partie des libertés fondamentales. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 en installe le principe : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ». La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 le confirme : « »Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression ». De même, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 4 avril 2019, a jugé que le droit de manifester était constitutionnel.
Des manifestations interdites
Ces solides bases juridiques sont construites. Pourtant, elles sont battues en brèche. La liberté de manifester est ébranlée par des interdictions. Récemment, le préfet de l’Hérault, à plusieurs reprises, a interdit des manifestations de soutien à la Palestine et de solidarité avec Gaza, organisées à Montpellier et à Béziers. Il y a un an, après le massacre du 7 octobre en Israël, Gérald Darmanin, alors ministre de l’intérieur, a ordonné l’interdiction des manifestations pro-palestiniennes « parce que susceptibles de générer des troubles à l’ordre public ». Mais le Conseil d’Etat s’est prononcé contre l’interdiction systématique des manifestations pro-palestiniennes. « L’état d’urgence a été détourné pour restreindre le droit de manifester », constatait Amnesty International en 2017. « 155 manifestations ont été interdites après les terribles attentats qui ont touché la France et 639 interdictions individuelles de manifester ont été ordonnées par les préfectures en France, sous l’argument de prévenir les violences lors des manifestations, alors que, le plus souvent, il n’existait que peu ou pas d’éléments démontrant que ces personnes auraient participé à des violences ».
Un contestable « risque de trouble à l’ordre public »
On voit combien l’interprétation, parfois jugée très extensive, que les autorités font des textes pour restreindre le droit de manifester appelle, de la part des citoyens, attention, vigilance, voire contestation devant les tribunaux… ou dans la rue. « La raison habituellement avancée pour interdire -les risques de trouble à l’ordre public- est une atteinte manifeste au droit de manifester », considère le montpelliérain Jean-Jacques Gandini, ancien président national du Syndicat des avocats de France. « Derrière cette notion d’ordre public, on peut mettre n’importe quoi ».
Pour avoir une bonne compréhension de cette question, il faut avoir en tête un point essentiel : quand on organise une manifestation, il n’y a pas à demander une autorisation, seulement à déposer auprès de la préfecture une déclaration préalable, trois à quinze jours avant. Le préfet peut alors interdire la manifestation, de manière motivée, y compris au dernier moment, rendant ainsi difficile ou impossible une demande d’annulation de l’arrêté préfectoral auprès du tribunal administratif. Précision : « Si une manifestation n’est pas déclarée, mais pas interdite, on peut y participer sans risque », souligne Jacques Gandini.
« On vous contrôle »
Le guide du manifestant arrêté propose des conseils pour savoir comment réagir dans plusieurs situations, notamment : « On vous contrôle / On vous arrête / On vous reproche une infraction ». Fil conducteur de ces informations pratiques : permettre à chacun d’exercer tous ses droits… sans contrevenir à la loi.
Le guide du manifestant arrêté est disponible en librairie (5 €) ou téléchargeable gratuitement.
« Libertés publiques : des droits à défendre et à développer »
Le 12 octobre à Montpellier, une rencontre est organisée, de 14h à 19h, à Montpellier, salle Guillaume de Nogaret, par le comité Languedoc-Roussillon de la Ligue des droits de l’Homme.
Le 29 septembre, Bruno Retailleau a estimé que « l’Etat de droit, ça n’est pas intangible, ni sacré ». Selon le ministre de l’intérieur, il devrait évoluer en fonction des besoins définis par les politiques nationales.
La Ligue des droits de l’Homme et un grand nombre d’organisations (dont la Cimade) ont répliqué : « L’Etat de droit est une condition de la démocratie. Pour protéger de l’arbitraire du pouvoir du moment, l’Etat de droit, ce sont des règles à respecter qui assurent la protection des citoyennes et citoyens comme des institutions. Loin de s’opposer au peuple, l’Etat de droit est, au contraire, la garantie de l’égalité de toutes les citoyennes et tous les citoyens qui le composent et de sa libre expression contre toutes les oppressions, individuelles ou collectives ».
Ce débat de fond sur l’Etat de droit est le contexte national dans lequel se situe cette rencontre régionale. Nathalie Tehio, présidente de la LDH, pour sa première venue à Montpellier depuis son élection, sera la principale intervenante. Les atteintes et les menaces sur la liberté de manifester, la liberté syndicale et associative, la liberté de s’informer et d’informer, les libertés pour la jeunesse y seront débattues lors de tables rondes successives.
Ligue des Droits de l’Homme / Informations, ici. Tél : 06 76 71 93 53. De son côté, la Ligue des droits de l’Homme a synthétisé ce qu’il est bon de savoir dans un document « Nos droits en manif » téléchargeable.
Alain Doudiès, auteur de cet article, est également membre de la LDH.
Photo de manifestants : Bibliothèque Rouge , Martin Noda.
Bravo à Lokko pour cet initiative engagé. Nous sommes tous responsable pour « l’état des choses » dans nos sociétés. La meilleure forteresse des tyrans, c’est l’inertie des peuples.
Nicolas Machiavel
Jamais l’orgueil individualistic qui se retranche dans le scepticisme pour ne pas être solidaire de la souffrance humaine ne m’a appris quoi que ce soit.
Pablo Neruda
La folie, c’est l’impossibilité de s’intéresser au monde, de se détacher de soi-même.
Beatrice Rangoni-Machiavelli
Existence = Résistance ! Avanti Popolo !!