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Julia Lahoz, la libraire jeunesse qui n’aimait pas lire enfant

D’humeur joyeuse et confiante malgré le contexte très difficile de la librairie : ancienne libraire chez Sauramps, Julia Lahoz, 36 ans, a racheté la librairie Nemo, la seule librairie jeunesse de Montpellier, à sa fondatrice Geneviève Fransolet. 

Julia Lahoz est une libraire atypique : elle a détesté lire pendant toute son enfance. Elle se rattrape aujourd’hui en lisant dès qu’elle a une minute (surtout la nuit), et en parlant de livres partout où elle peut, à la radio, dans la presse, et dans sa toute nouvelle librairie. Là, Julia semble avoir trouvé l’espace qui lui correspond, entourée de livres aux couvertures bigarrées, de peluches et de posters de Claude Ponti. Et puis les dinosaures sur sa chemise signale une certaine fantaisie.

« Les sales mômes » sur Divergence 

Elle raconte avoir vécu une sorte d’épiphanie à l’adolescence, en tombant par hasard sur « À la croisée des mondes » de Philip Pullman, qui l’a transformée en boulimique de la lecture : « À partir de là, la petite bibliothèque de Lunel n’a plus suffi à combler mes envies« , confie-t-elle à LOKKO. Lunel où elle a passé son enfance après une naissance à Paris. Julia revendique un profil polyvalent, se définissant comme un électron libre en quête d’indépendance, rapidement frustrée si elle doit suivre les sentiers battus. Cela transparaît dans l’éclectisme de ses activités : elle écrit pour les revues Page des Libraires et Citrouille, elle a un blog, et propose un billet par semaine chez Divergence FM dans l’émission Les sales mômes.

Elle aime particulièrement la littérature jeunesse un peu excentrique, rigolote, qui cache des messages profonds et recèle plusieurs niveaux de lecture. Elle dévore aussi bien des livres pour adultes que pour enfants, en offre des kilos à ses proches, et cite Pierre Bottero, auteur français de fantasy, pour lequel il n’y a pas de réelle différence entre la littérature adulte et jeunesse, tant les interprétations et les perceptions sont multiples et varient d’un public à l’autre.

Avant d’être libraire, Julia Lahoz était particulièrement « paumée » : « Je pense que ce qu’il faut retenir, c’est que j’étais totalement paumée, je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire« . Elle s’oriente d’abord vers des études scientifiques, puis réalise qu’elle aime finalement trop les livres et passe un bac littéraire, duquel elle sort diplômée avec mention, mais pas moins perdue qu’avant. Bonne élève, elle va à la fac. S’ensuivent quelques années d’errance, ballotée d’histoire de l’art en lettres modernes sans grande conviction.

Le rêve de Nemo

Elle rejoint ensuite un DUT Métiers du livre et du patrimoine à Paris avec l’idée d’être bibliothécaire, mais la torpeur de la classification Dewey mettant rapidement un frein à ses ardeurs, elle se tourne finalement vers la librairie. Elle s’est affûtée, n’est pas intimidée par « la vente et les chiffres, même si je sais que je suis un peu la seule (rire) ». Elle fait ses marques dans une toute petite librairie jeunesse à Paris, où elle travaille pendant son temps libre. « C’était la librairie de mes rêves, le modèle que je voulais reproduire« . Elle vit à Paris durant 2 ans mais ne se voit pas y rester, à cause du métro et du ciel invariablement gris. Retour dans le Sud pour Julia : elle fait son stage de fin d’études à Sauramps-Polymômes à Montpellier, qui l’embauche ensuite et auquel elle reste fidèle pendant 15 ans. En juillet 2024, Geneviève Fransolet prend sa retraite. C’est décidé : Julia rachète Nemo.

La librairie unique en son genre, seule librairie spécialisée jeunesse de Montpellier, Nemo était depuis longtemps dans son viseur. « L’idée d’avoir une librairie à moi était séduisante, malgré les difficultés qu’on ne voit pas quand on est employé…« . Le 10 août, la petite librairie à l’enseigne orange et bleue est à elle. Être à la tête d’une librairie n’est pas une mince affaire, mais l’ancienne propriétaire, « grande dame de la littérature jeunesse« , chemine un temps à ses côtés. La librairie est solide et réputée. Pas de grande révolution à Nemo donc, mais quelques ajustements : un petit coup de peinture multicolore pour mettre sa patte, un nouveau logo « patate », et un subtil réaménagement des lieux. Julia voudrait aussi développer la section pour ados, notamment grâce au Pass Culture, pour étoffer une offre qui est actuellement centrée sur les tout-petits (0-5 ans). Et compte bien faire vivre la librairie en proposant des animations, des rencontres, et même des expositions à la mezzanine, avec ce projet : « un mois/un artiste ».

Un certain courage

« Il faut être doté d’un certain courage pour ouvrir sa propre librairie…« , admet-t-elle. Derrière le charme d’une petite librairie à soi, il y a les réalités du métier : « Nous les libraires, on n’est pas riches« . Elle a emprunté la totalité de la somme à verser pour l’acquisition du fonds de commerce (95 000€). Être libraire est aujourd’hui un acte de bravoure, dans un secteur où les difficultés financières s’accumulent et où la situation post-Covid n’aide plus. L’effervescence temporaire autour des librairies pendant la pandémie est retombée, et le « métier le plus sexy  » de cette période n’est plus tellement en grâce aujourd’hui : après un état de surchauffe qui a duré 3 ans, le retour à l’état normal est vivement compliqué par l’inflation. En effet, les librairies représentent aujourd’hui le type de commerce à la plus faible rentabilité (1%) et elle sont seulement le deuxième point de vente de livres, bien loin derrière les grandes surfaces culturelles, et au coude-à-coude avec la vente par internet. Mais cela n’entame pas l’enthousiasme de Julia, dont l’optimisme est rafraîchissant : « Beaucoup d’enfants lisent, et les gens restent attachés à l’objet livre et au contact humain, alors ça va revenir« . 

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