Au Cinemed, le siècle de Costa-Gavras

Constantin Costa-Gavras, c’est un grand. Un très grand même du cinéma contemporain. 60 ans de cinéma. Et une vingtaine de films au compteur dont les mythiques « Z » (1969) et « L’aveu » (1970). Il présente à Cinemed un documentaire qui lui est consacré et en avant-première, son dernier film « Le dernier souffle ».

Le festival Louis Lumière, qui s’est achevé à Lyon ce dimanche 20 octobre, a lui aussi rendu hommage au dernier cinéaste de sa génération. Des natifs des années 30 ne restent que Jean-Paul Rappeneau (qui n’a plus tourné depuis 10 ans), Roman Polanski (marginalisé désormais) et Claude Lelouch, un poil plus jeune que les deux autres.

Celui-ci et Costa-Gavras ont en commun d’avoir Kad Merad au générique de leur dernier film. Davantage dans son registre chez Lelouch avec  « Finalement » où il peut démontrer pleinement son amour de la musique. Autrement plus grave chez Gavras avec « Le dernier souffle » qui, sur le papier, fait songer  à « Mon oncle d’Amérique » d’Alain Resnais en 1980, avec Henri Laborit, médecin et philosophe. Là, sous la caméra du réalisateur, « Le dernier souffle » est un dialogue amical et passionné entre Augustin Masset, docteur de son état, joué par Merad, et l’écrivain Fabrice Toussaint interprété par Denis Podalydès.

Un dialogue à propos de la fin de vie des patients du médecin mais aussi en creux sur celle de l’écrivain. Une exploration en miroir de la vie de Gavras, âgé de 92 ans, qui a perdu les meilleurs de ses amis : Yves Montand (en 1991), l’écrivain Jorge Semprun 20 ans plus tard ou encore l’animateur du « Pop Club », José Artur (2015).  

La fin de vie 

Ce n’est pas la première fois que le cinéaste franco-grec fait le choix d’un acteur connu d’abord comme « comique » pour lui faire jouer le contraire de son registre habituel. Ce fut le cas déjà José Garcia, l’ex complice télévisuel d’Antoine de Caunes dans « Nulle part ailleurs » qui a interprété un faux-vrai gentil parfaitement étonnant dans « Le Couperet » en 2005 (licencié pour cause de compression de personnel, postulant ensuite dans une autre grosse entreprise, il n’hésite pas à descendre froidement tous ceux qui pourraient lui disputer la nouvelle place). En 2012, Costa-Gavras offrait à Gad Elmaleh l’un de ses rôles les plus importants au cinéma en lui faisant jouer le rôle d’un banquier obsédé par le profit. Le film « Le capital» avait été présenté en avant-première à Cinemed.

Un cinéaste engagé

Dans le cadre de ce que Cinemed appelle des « séances spéciales », les 25 et 26 sera aussi projetée la série documentaire en 3 parties réalisée par Yannick Kergoat, écrite en collaboration avec Edwy Plenel (le fondateur de Mediapart) et produite par Michèle Ray, madame Costa-Gavras à la ville (et mère de leurs 3 enfants). Cette série s’intéresse aux films de C-G, réalisés entre 1965 et 19704. Le vendredi, un épisode sera présenté sur « Z », sorti en 1969. Avec ce film, Costa-Gavras réussit une entrée fracassante dans le cinéma mondial. C’est le début de sa fructueuse collaboration avec l’écrivain Jorge Semprun. Il raconte l’assassinat en 1963, de Grigóris Lambrákis, ce député démocrate grec qui se battait pour la paix. Z signifiant : il est vivant ! On a toujours à l’oreille la musique signée Mikis Théodorakis, exilé lui aussi à Paris.

La même séance sera consacrée au choc de « L’aveu » (photo) en 1970 dans la foulée de « Z ». Un député progressiste est assassiné dans un pays méditerranéen. Le juge d’instruction s’occupant de l’enquête met en évidence, dans ce crime, la participation de l’armée et de la police. «  Socialisme, communisme, anticolonialisme, toutes les idéologies porteuses d’émancipation ont connu leurs défaites de l’intérieur : ce jour où des pouvoirs qui s’en réclamaient ont produit de nouvelles dominations, piétiné les libertés, corrompu les fraternités. La force du cinéma de Costa-Gavras est d’avoir d’emblée affronté cette question, d’avoir tenu les deux bouts, avec la même intégrité et fermeté : les révoltes logiques, nécessaires, et les lucidités dérangeantes, tout aussi vitales » analyse le documentaire (1).

En 1965, le premier film d’un jeune réalisateur sort sur les écrans français : « Compartiment tueurs », avec Simone Signoret et Yves Montand dans deux des principaux rôles avec une distribution épatante : Catherine Allégret, Jacques Perrin, Charles Denner (le sujet : une représentante en parfumerie assassinée dans un train). Coup d’essai, coup de maître : c’est un succès à la suite duquel, grâce à un producteur américain, il peut tourner son deuxième film, « Un homme de trop », sorti en 1967. « Costa-Gavras, n’a alors que 32 ans et fête ses dix années de vie française, après avoir été contraint de quitter son pays, la Grèce. En France, il découvre et apprend le cinéma, faisant ses premières armes comme assistant des plus grands metteurs en scène de l’époque ». Deux autres séances, le samedi, évoqueront ces deux films (2).

Un regret cependant que les organisateurs de ce festival n’aient pas songé, dans le contexte particulièrement sanglant du moment, à programmer : « Hanna K », un film signé CG (1983) sur l’histoire de Hanna Kaufman, 35 ans (campée par la  radieuse et regrettée Jill Clayburgh), juive d’origine polonaise, Française devenue Israélienne par choix, qui va assurer la défense d’un Palestinien, arrêté pour entrée illégale en Israël.

Deux « séances spéciales » autour du documentaire « Le siècle de Gavras ».

-(1) avec un épisode sur « Z », et un autre sur « L’aveu », le 25 octobre à 12h au Corum, Salle Einstein, Montpellier.

-(2) en deuxième partie, « Compartiments tueurs » et « Un homme de trop », le samedi 26 octobre à 12h au Corum, salle Einstien.

En présence de Michèle Ray-Gavras et Costa-Gavras.

Avant-première « Le dernier souffle » de Costa-Gavras, adapté du livre éponyme du médecin Claude Grange et de l’écrivain et philosophe Régis Debray, vendredi 25 octobre à 19h au Corum. En présence du réalisateur.

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