Mercredi 20 novembre avait lieu à L’O’Liver Pub, la « release party » du deuxième EP de Pipi Tornado, le groupe de rock montpelliérain qui se présente comme « bipolaire lyrique et sauvage » avec sa charismatique chanteuse Mélodie Pastor. Impossible de ne pas se la jouer chasseur de tornade. Je vous raconte.
Lundi 18 novembre fermait le dernier Hard Rock Café en France, boulevard Montparnasse. Un haut lieu du rock hexagonal pendant une trentaine d’années mais qui finit par se travestir en balançant du rap auto-tuné pour tenter de survivre. En vain.
Deux jours plus tard, à quelques centaines de kilomètres de là plus bas sur la carte, route de Lattes pour être exact, le rock était bel et bien vivant, bouillant même, dans un pub à la superficie et aux lumières rappelant la défunte franchise parisienne de l’enseigne américaine (mais dans un esprit beaucoup plus pub irlandais), son nom : O’Liver Pub.
L’O’Liver Pub, un vrai repère de rockers
Les travailleurs du coin en doudoune JOTT y viennent pour l’after-work, boire une mousse autour d’un billard, et y côtoient dans la bonne humeur des mélomanes avertis vivant le rock du lever au coucher (ou du coucher au lever pour les espèces nocturnes), et arborant quant à eux fièrement leur appartenance à leur paroisse à grand renfort de tatoos, de cuir noir usé, de cheveux péroxydés, et de maillot de leur équipe préférée : Mass Hysteria, Motörhead, AC-DC…selon les goûts.
Bien entendu, les sympathiques serveurs sont aussi authentiquement dans le coup : l’un d’eux au comptoir portait lui ce soir-là un tee-shirt de la Secret Place. L’institution du sud par excellence. Quand on aime, on se fiche bel et bien de la supposée concurrence. On va dans toutes les crémeries.
Au menu du O’liver : les samedis soirs, place aux tribute band rendant hommage à des grands noms du rock, les vendredis des karaoké live où tu peux venir pousser la chansonnette ou crier selon ton talent avec un vrai groupe, et les mercredis : honneur aux groupes locaux et leurs compos.
Ce mercredi 20, c’était donc au tour de Pipi Tornado, pour fêter la sortie récente (le 8 de ce mois) de son deuxième EP, Santa Cantina, sur le label Classisco et distribué par Pias.
Avant même que le set ne commence, tous les écrans télé (diffusant d’ordinaire les matchs de foot ou les paroles de Téléphone et des Beatles) affichaient le logo du groupe au rose fluo et vert très pop art, et il fallait faire la queue au stand des goodies (des médiators Pipi, des badges Pipi, des affiches Pipi…) pour pouvoir palper et acquérir leur nouvel objet discographique. Preuve d’une notoriété déjà bien en place après cinq ans d’existence.
Un fan, qui avait fait quelques heures de route et négocié un jour de repos avec son employeur pour assister à leur prestation, me lâcha qu’il les avait déjà vus trois fois ces six derniers mois : au Rag-Nar’oc de Saint Bau’, au Transes Cévenoles, et au Mas de Riri.
Une tornade truffée d’influences
Dans les années 90 était diffusé sur le petit écran Code Lisa. Une série cartoonesque -qui a mal vieilli , il est vrai– produit par John Landis (le réalisateur des Blues Brothers), où deux lycéens geeks fabriquaient leur femme fantasmée -belle, cultivée et pleine de réparties- grâce à un ordinateur dernier cri auquel ils scannaient des découpes de presse correspondant aux courbes désirées et aux traits de caractères et d’esprit recherchés.
Pour vous faire un idée du charisme de Mélodie Pastor, la chanteuse de Pipi Tornado, imaginez-vous une conception au procédé similaire avec des ingrédients très différents : un portofolio de Nina Hagen, des photos dédicacées de Billy Idol et des Sex Pistols, des places de concert de Blondie et des Dickies, des pochettes des disque des BellRays et de la très grande Betty Davis, des mèches de la pionnière du féminisme Fifi Brindacier (de son vrai nom suédois Pippi Långstrump), une poignée d’écrin de cheval de Zorro, des centaines de partitions des années passées au conservatoire, quelques cordes de guitare électrique, un semelle d’une chaussure à plateforme d’une fripe londonienne, de l’encre noir pour tatouage, et boom ! La tornade est, quasi, prête !
Pour qu’elle se forme, prenne totalement vie et emporte tout sur son passage, à cela s’ajoute des tourbillons-trublions qui l’entourent, les autres membres du groupe. Des cadors habitués des scènes des environs : Gom Pilote à la guitare (aussi illustrateur pour ce 2ème EP), Samuel Devauchelle aux baguettes et architecte sonore du projet depuis ses débuts, et son acolyte Lionel Puyal à la basse (tous deux des anciens du funky Lena & The Deep Soul) aussi donneur de leçons de groove au sein du Neil Conti & The Lady Sundaze.
Les Pipi Tornado savent tout faire
Tout ce beau monde a débarqué sous les applaudissements sapé comme jamais, mention spéciale au kilt et chaussettes roses du batteur, et a attaqué avec le dernier morceau rageur de leur premier EP, Roddy Pee-Buddy, pour mieux nous signifier que nous allions avoir droit à une suite tout aussi explosive.
Mélodie, grande cinéphile, initia et et conclua ce préambule au mini synthé avec un gimmick issu de la B.O de Ghost Buster. Le cinéma, dont elle s’inspire dans ses textes teintés d’absurde, de philosophie, de références au monde animal (comme sur le l’excellent petit nouveau Kill The Lobster), et dépeignant de manière épique des problèmes existentiels du quotidien, comme dans Back Now, où elle conte la perte d’un briquet pour un fumeur. Un morceau issu de leur premier EP qui fit partie du set et qui est représenté sur la pochette du dernier (dans un style « Où est Charlie » ?) avec une Mélodie en furie se jetant de scène à la poursuite de son bien humanisé.
Après cela, les six nouveaux morceaux du Santa Cantina, agrémentés des anciens et d’inédits jamais sortis sur disques, furent joués avec une détermination et un savoir-faire (même les larsen sont millimétrés) ne pouvant que porter en transe la chanteuse et convaincre même ceux venus là par hasard. Et ce dès le premier d’entre eux, un tube en puissance, au clip réalisé maison par la dame, Twista. Un twist débridé à la Cramps où son yodel punk interpelle aux premières notes.
Tantôt glam, tantôt hard, tantôt psycho(billy), souvent punk, parfois métal, et, ici et là, un soupçon pop. Comme The Clash, Pipi Tornado savent tout faire et s’affranchissent des codes pour mieux trouver son identité.
Le concert se termina avec le tapageur Spider explorant sa phobie des aranéides. Et une fois encore la montpelliéraine fit mouche avec son interprétation habitée. Une interprétation dotée d’une voix à la puissance d’une Queen of Soul américaine, à la fougue d’une punk berlinoise, et qui varie avec une facilité déconcertant ses placements.
Une horde de groupies de 7 à 77 ans
Presque étonnée d’avoir suscité une ovation, elle se prit au jeu du selfie à perche avec son public qui était, sans mentir, de 7 à 77 ans. A peine sortis de scène, les membres du groupe furent prit d’assaut par des groupies désirant plus que tout leur selfie à eux et leur autographe sur leur exemplaire de Santa Cantina fraîchement acquis. J’ai dû jouer des coudes pour pouvoir me procurer le mien. Nouvellement groupie à mon tour après cette bourrasque prise en pleine face, et ayant désormais vent de la qualité scénique de ce super groupe du coin, je me suis dit qu’il était de mon devoir de vous annoncer qu’ils seront en première partie de The Roadies Of The D, le 6 décembre prochain à l’Antirouille.
J’oubliais. Parmi les spectateurs, l’un d’eux portait aussi un sweat du Hellfest. En partant, je me suis dit que les Pipi Tornado avaient vraiment la carrure et le son qui dépote pour y être programmés.
Concert The Roadies Of The D, le 6 décembre prochain à l’Antirouille avec Pipi Tornado en première partie. En savoir +, ici.
Le site du groupe, ici et le disque, là. Pipi Tornado a récemment donné une session live à Radio Campus, ici.