Militante associative, écrivaine, à l’origine du récent recueil «Paroles pour une paix en terre de Palestine», Monique Sérot Chaïbi nous écrit pour dire sa peine d’avoir dû «prendre ses distances» avec son ami Boualem Sansal pour son amalgame entre islam et islamisme. Elle appelle toutefois à sa libération sans conditions.
Boualem Sansal ce n’est ni Rushdie, ni Soljenitsyne comme je l’ai lu. C’est un bon écrivain qui s’est égaré en route. Cela a commencé avec «2084, la fin du monde» qui se voulait l’écho de «1984», le grand roman dystopique de Georges Orwell, et au cours des ans, cela a pris un tournant exclusivement dirigé vers la haine des Djihadistes qu’il a peu à peu confondus avec l’ensemble des musulmans, voire des Algériens.
Les mots que j’écris me coûtent car il fut un temps où je comptais Boualem Sansal parmi mes amis. Et je l’ai défendu tant que ses propos étaient encore acceptables. Mais lorsqu’il s’est vanté, lors d’un Maghreb des livres à Paris, devant un public officiel, de son amitié avec Eric Zemmour, et, encore récemment, de son admiration pour la démocratie israélienne sans prononcer un mot de compassion pour les Gazaouis j’ai pris mes distances.
Il est toujours difficile de faire le deuil de ses amis. Un dernier mail en forme de main tendue à Boualem Sansal, il y a quelques mois, m’a convaincue que le retour en arrière était impossible. Être accusée d’antisémitisme, moi dont la mère a subi deux ans de déportation et qui venais de co-réaliser un recueil choral sur la Palestine (*) pour lutter contre toute forme de racisme, m’était insupportable.
De notre côté de la Méditerranée, ces propos ont offert aux pseudo-intellectuels français le droit de dire clairement leur peur, leur haine de l’arabe et du musulman en général. Puisque Boualem Sansal, l’écrivain et Prix Goncourt Kamel Daoud, Mohamed Sifaoui, le journaliste franco-algérien, figure de la lutte contre l’islam radical, et même l’imam de Drancy, Hassen Chalghoumi, crachent sur l’Algérie et soutiennent «le droit d’Israël à se défendre» sans un mot pour les Gazaouis, alors on les soutient. Tant pis si cela justifie un racisme qui n’a pas lieu d’être.
Bien entendu, l’emprisonnement de Boualem Sansal, qui me semble hors de proportion avec les déclarations de l’écrivain, va creuser plus encore le fossé entre nos deux pays.
A tous ceux qui ont pris parti, comme pour beaucoup de sujets, prenez le temps de vous informer avant de soutenir un auteur, un politique, une cause. Et cessez ainsi d’entretenir des fossés mortifères entre les humains.
Et Sansal doit être libéré malgré ses dires et ses écrits !
(*) « Paroles pour une paix en terre de Palestine » (éditions Chèvrefeuille étoilée), réunit 40 auteur·e·s et 10 artistes de toutes confessions et nationalités qui tentent de donner une idée objective de ce qui se passe en Palestine et de bousculer l’indifférence dont ses habitants sont victimes. Une initiative de Monique Sérot Chaïbi qui a voulu continuer le combat de son père, André Sérot, pour la paix. Chef des observateurs de l’ONU en 1948, il a été assassiné par le groupe extrémiste Stern (appellation donnée à un groupuscule terroriste sioniste révisionniste, qui fit parler de lui, au moment de la lutte pour l’indépendance d’Israël, par son terrorisme anti-britannique et anti-arabe).
Monique Sérot Chaïbi a déjà dirigé deux autres ouvrages collectifs : « Au cœur de l’errance » (Chèvre-feuille étoilée, 2018), et, avec Agnès Defrance, « Ce qu’il reste de nous » (Le port a jauni, 2020) en soutien à SOS Méditerranée. Elle a publié des textes dans la revue « Étoiles d’Encre » et écrit une pièce de théâtre dans le cadre d’un projet avec la Tunisie. Elle est membre de SOS Méditerranée, et Coup de Soleil.
Personne en Algérie ne veut la mort du pécheur, même pas les autorités ! Mais que Sansal , qui ne changera pas, aille écrire ses saletés ailleurs, il ne doit plus remettre les pieds en Algérie, ses déclarations sont trop explicites pour être regardées comme de simples dérapages que des excuses qu’il n’est pas près de présenter sincèrement, pourraient effacer . Qu’il dégage d(‘un pays qui lui a tout donné et sur lequel il crache sans vergogne!
Merci madame pour ce texte à la fois très lucide et courageux. En effet, Boualem Sansal doit être libéré au plus vite sans condition et c’est totalement logique de continuer à combattre les idées d’extrême droite qu’il se permet de relayer avec ses nouveaux amis que ça soit Eric Zemmour ou Paul-Marie Couteaux.