Leïla Slimani, Kamel Daoud, prix Goncourt 2024, Miguel Bonnefoy, prix Femina et David Foenkinos sont quelques-uns des invité.e.s de la Comédie du livre qui fête ses 40 ans du 9 au 18 mai 2025, dans les jardins du Peyrou, ainsi que les 25 ans des éditions gardoises du Diable Vauvert. Avec, pour la deuxième année consécutive, la remise du Grand prix de l’imaginaire.
Carte blanche à Leïla Slimani
«Mehdi se sécha, enfila un tee-shirt propre et un pantalon de toile, et il chercha au fond de sa sacoche le livre qu’il avait acheté pour sa fille. Il poserait sa main sur son épaule, il lui sourirait et lui ordonnerait de ne jamais se retourner. “Mia, va-t’en et ne rentre pas. Ces histoires de racines, ce n’est rien d’autre qu’une manière de te clouer au sol, alors peu importent le passé, la maison, les objets, les souvenirs. Allume un grand incendie et emporte le feu.»
Révélée par Chanson douce (prix Goncourt 2016), Leïla Slimani achève, avec J’emporterai le feu (Gallimard), le dernier volet de sa trilogie Le Pays des autres, après La Guerre, la Guerre, la Guerre (2020) et Regardez-nous danser (2022). C’est entre le Maroc et la France, au tournant des années 1980-1990, que se déploie sa formidable fresque familiale. J’emporterai le feu est un récit mélancolique et marqué par la figure du père, arrêté, traduit en justice puis emprisonné alors qu’elle n’avait que 20 ans. Un homme broyé par le régime monarchique autoritaire du Maroc.
Le populaire David Foenkinos
Dans le cadre d’une Carte blanche qui lui a été proposée par Régis Penalva, le directeur de la Comédie du Livre, la romancière invite le populaire David Foenkinos 50 ans, vingt romans, dont le Prix Renaudot avec Charlotte (l’histoire d’une jeune artiste allemande morte à Auschwitz à seulement 26 ans, alors qu’elle était enceinte) et La délicatesse, adaptée au cinéma et joué par François Damiens. Des films, des pièces de théâtre, une plume en or et un nouveau livre : Tout le monde aime Clara qui a développé des dons de voyance après un accident de voiture et sait prédire l’avenir.
Autre invité : Karim Kattan, dont l’échange avec Alain Damasio avait été un des temps forts de l’édition 2024. Dans son dernier roman, politique et militant, L’Éden à l’aube, l’auteur palestinien met en scène une histoire d’amour gay à Jérusalem.
Le controversé Kamel Daoud
Gallimard en force décidément. Beaucoup de choses à dire sur Kamel Daoud, déjà invité en 2013 à Montpellier, à l’occasion de l’année des littératures du Maghreb, alors qu’il était encore éditorialiste au Journal d’Oran. Il sera présent, avec sans doute son habituelle protection policière, pour Houris, prix Goncourt 2024, un livre poursuivi pour «violation du secret médical» par une patiente de sa femme, psychiatre, qui s’est reconnue dans le portrait de son héroïne, devenue muette à la suite d’une tentative d’étranglement pendant les années noires (l’affrontement entre l’état algérien et les islamistes dans la décennie de 1992 à 2002). LOKKO avait évoqué le cas Daoud, ici, devenu bête noire du régime de son pays natal et formant un duo de combat contre l’islamisme et la dérive autoritaire du régime de Abdelmadjid Tebboune, avec Boualem Sansal, aujourd’hui dans les geôles algériennes.
L’anniversaire du Diable Vauvert
Se préparent les 25 ans du Diable Vauvert, cette maison singulière fondée en 2000 par Marion Mazauric (photo) en Camargue gardoise, avec pour ambition de «désenclaver les genres et faire reconnaître de nouvelles voix d’écrivains émergeant des pop-cultures». Grands auteurs et autrices ou émergent.e.s : un catalogue désormais impressionnant qui aligne Pierre Bordage, Thomas Gunzig, David Foster Wallace, Irine Welsh, Julien Blanc-Gras, Titiou Lecoq, Oxmo Puccino, Coralie Trinh Thi, Wendy Delorme et Juan Branco.
Le luxuriant Miguel Bonnefoy
Autre étoile attendue au Peyrou : Miguel Bonnefoy, prix Femina et Grand Prix du roman de l’Académie française pour Le rêve du Jaguar (Éditions Rivages) où il raconte son pays d’origine, le Venezuela, et l’histoire de sa famille sur trois générations à partir du personnage de son grand-père, Antonio Borjas Romero, orphelin abandonné dans la rue qui deviendra cardiologue et fondateur de l’université de Maracaibo.
«Au troisième jour de sa vie, Antonio Borjas Romero fut abandonné sur les marches d’une église dans une rue qui aujourd’hui porte son nom.» Un talent fou, un grand héritier du réalisme magique, généreux et truculent dans les rencontres avec le public.
Spécial Max Rouquette
Derrière le propos occitan, qui peut laisser insensible, un véritable grand écrivain : Max Rouquette et son lumineux Vert paradis. 30 rendez-vous sont proposés autour de Max Rouquette pour les 20 ans de sa disparition. Le 14 mai, notamment, une Lecture musicale : L’ombre messagère et autres moissons de poèmes, avec la poétesse Aurélia Lassaque, figure du renouveau de la poésie occitane, et la musicienne Cylsée.
Invités internationaux
Du côté des auteurs étrangers, citons Claire North (photo) pour son dernier livre Sweet harmony (Bélial) : une dystopie satirique brillante, où la star de la SF britannique s’en prend à la société des apparences et à sa marchandisation. Un bouton apparaît sur le menton immaculé de Harmony Meads. Impensable dans la société anglaise du futur proche où des nanomachines injectées dans l’organisme permettent de faire en permanence des bilans de santé et de prévenir les malaises à venir…
Et le portugais Gonçalo M. Tavares. Le professeur d’épistémologie à l’université de Lisbonne à la verve caustique, considéré comme l’un des grands noms de la littérature portugaise contemporaine, vient présenter «L’os du milieu» qui expose 4 destinées, trois hommes, une femme -un assassin, une femme adultère, un voyeur, un viandard-, rencontrés à un moment clé de leur existence : lorsque la violence prend le pas sur la raison…
Le Grand Prix de l’imaginaire 2
Enfin, pour la deuxième année consécutive, sera décerné le Grand Prix de l’imaginaire, qui s’est délocalisé l’an dernier à Montpellier et attiré un énorme public très jeune. Une des bonnes séquences de l’édition 2024. La sélection des candidats à ce prix prestigieux est consultable, ici.
Photo Leïla Slimani, Kamel Daoud et David Foenkinos @Gallimard, Marion Mazauric @DR, Aurélia Lassaque @DR, Miguel Bonnefoy @Rivages, GM Tavares @Viviane Hamy.
En savoir + sur le site de la Comédie du livre, ici.