«La création artistique n’est pas l’ornement de la société, elle en est la conscience». Vibrante profession de foi pour Michaël Delafosse, maire de Montpellier et président de la Métropole, en réponse à la saignée culturelle envisagée par le Département de l’Hérault. La part culturelle des budgets de la Ville et de la Métropole, soit 90 millions d’euros, seront sanctuarisés en 2025 + deux enveloppes exceptionnelles d’environ 450 000 euros.
« J’aime mon maire »
«Ah, bon, le budget de Montpellier ne baissera pas ?» Depuis mardi, et la conférence de presse du maire de Montpellier, l’information circule. Au cours d’un entretien (à venir) accordé à LOKKO, Juliette Trey, la nouvelle directrice du musée Fabre l’apprend et s’en réjouit. A Unisons, la structure qui gère le festival Arabesques, on a appris la nouvelle en montrant un certain soulagement. La poétesse Nat Yot a posté un texte du maire de Montpellier évoquant le maintien de ses aides, avec cette mention «J’aime mon maire». Même les jeunes membres de la CIP LR, militants de l’intermittence, qui interpellaient les journalistes à la sortie de la conférence de presse de ce mardi 18 février, paraissaient agréablement surpris.
C’est très rare d‘ailleurs que les journalistes soient réunis dans cette salle directement attenante au bureau du maire. Cela avait tout l’air d’une réplique à l’annonce de la réduction drastique du budget de la culture au Département, mais pas moyen d’obtenir de Michaël Delafosse une position frontale sur le harakiri culturel de Kléber Mesquida, le rugueux socialiste devenu une des bêtes noires de la culture en France après la présidente de Loire Atlantique, Christelle Morançais, et le sabordage décomplexé de 60% des budgets régionaux alloués à la culture, à la suite de Laurent Wauquiez, l’ancien président de la région Rhône-Alpes qui a ouvert la voie. Et tant d’autres collectivités locales qui font de la culture une « variable d’ajustement » selon la formule. Un socialisme qui soutient la culture, malgré le manque à gagner de recettes pour Montpellier de 12 millions d’euros de l’Etat pour cause d’austérité budgétaire, un autre qui la sacrifie à la hache.
Reprise du théâtre d’O et de HMS
On l’avait écrit dans LOKKO : «du côté de la métropole, chaque fois que le département laisse tomber un bout de sa culture, on tremble». Michaël Delafosse a fait la proposition de récupérer le théâtre d’O, au sud du domaine d’O, laissé en déshérence par le Département, ainsi que le service HMS, Hérault Matériel scénique, une structure de prêt gratuit de matériel scénique utile à beaucoup d’opérateurs culturels.
Le vieux baron héraultais est désormais du mauvais côté du cordon de sécurité, où l’on trouve aussi les tenants d’une «contre-révolution, populiste, vulgaire, qui fait l’éloge de l’ignorance» selon les mots du maire. Un rendez-vous est prévu prochainement entre les leaders des deux collectivités.
Budgets sanctuarisés
Un tourbillon de formules, et de chiffres, une vibrante profession de foi, une opération de com décidée à l’arrach’ et des faits : la presque centaine de millions d’euros dédiée à la culture, budget Ville et Métropole confondus, ventilés en dépenses d’investissement, de fonctionnement, et en ressources humaines, seront maintenus en 2025 (les votes auront lieu en avril) : 78 millions d’euros pour la métropole, soit 3% du budget, 9 millions soit 1% pour la ville. De loin, le premier budget de la culture pour Montpellier. De nombreux professionnels respirent. Même si beaucoup vous font remarquer que les aides publiques n’étant pas alignées sur l’inflation des coûts de production, les moyens de la culture sont structurellement en baisse.
Parmi les annonces concrètes :
–Un fonds de soutien de 250 000€ aux lieux de diffusion «à sauver», comme la Bulle Bleue, La Vista, La Fenêtre, le Rockstore. Un plan qui sera accompagné, dans les prochaines semaines, d’une campagne de mobilisation et de levée de fonds auprès des acteurs privés, à la recherche de mécénat.
–Une enveloppe de 200 000€ aux artistes «dans le cadre de la programmation artistique et culturelle des Maisons pour Tous de Montpellier mais aussi par le recours à des performances artistiques lors d’événements ou inaugurations importantes cette année». Une mesure qui concerne directement les intermittents, ces grandes victimes de la récession culturelle. 1 intermittent sur 3 ne sauvera pas sa peau.
A côté des dispositifs existants, des nouveautés qui ne pâtiront pas des étranglements budgétaires du moment :
-L’ouverture de Milleformes, le centre d’initiation à l’art pour les 0-6 ans, en partenariat avec le centre Pompidou, est annoncée le 6 février 2026 (photo ci-dessus /fronton rose).
-Le Carré Sainte Anne rénové, ouvre en mai 2025, avec l’artiste JR (vernissage le 26 juin), après 8 ans de fermeture.
-L’extension sous terre de près de 1000m², initiée à l’occasion de son bicentenaire, pour le musée Fabre a été confirmée.
-Ainsi que la création d’un «centre de conservation et d’études archéologiques», accolé au musée Henri-Prades, sur le site Lattara réaménagé.
Le dossier Domaine d’O
L’exception culturelle montpelliéraine tremble toutefois sur ses bases : du côté de la mégaculture, on est en mode survie et on continue d’engloutir des millions sans que le logiciel hérité paraisse avoir été soumis à la question. C’est un reproche de fond fait par les manifestants du peuple précaire qui a défilé, samedi, dans les rues de Montpellier.
A demi-mots, le maire de Montpellier a évoqué le dossier brûlant du Domaine d’O. On sait que le déficit du Domaine d’O et du Printemps des Comédiens, réunis au sein d’un nouvel établissement, a provoqué une colère au 8ème étage de la maison bleue. « Nous avons été surpris par l’ampleur du déficit». 400 000 euros pour le domaine d’O. On attend de connaître celui du Printemps des Comédiens dont les comptes ne sont pas encore arrêtés. Et cet avertissement sans frais : «Les structures culturelles doivent être bien gérées. Si ce n’est pas le cas, on en tirera les conclusions».