C’est la première œuvre pérenne commandée dans le cadre d’une ZAT, grande manifestation annuelle d’art dans l’espace public de Montpellier. Elle a été réalisée par UV Lab, un collectif animé par des architectes syriens, basé à Marseille. Un hyperboloïde couvert de carreaux en céramique conçus par les habitant·e·s du quartier qui sera inauguré durant la ZAT , le 5 avril 2025.
Quel chemin depuis la Syrie jusqu’à cet atelier sur le Grand Mail de la Paillade. Le sourire de Khaled Alwarea (à droite sur la photo) est notre guide, dans un Français méritant, au milieu de ces petites mains de tous les âges, qui ont répondu à son invitation à fabriquer les zelliges qui orneront sa structure métallique. Dans cet ancien local de la TAM, en rez-de-chaussée, mis à disposition pour les associations du quartier, on dessine les pièces d’argile qui seront ensuite cuites.
Dans les conversations qui ont précédé la visite à l’atelier, au Shake Mama, cet étonnant restaurant de femmes dans le flambant neuf espace Gisèle Halimi, où s’incarne une mutation assez fulgurante du quartier, Khaled Alwarea répond à quelques questions sur son passé syrien. Son pays natal qu’il a fui, où il a été détenu, où il souhaite retourner un jour pour mener à bien un projet d’art visuel sur la communauté gay. «Heureux que Assad soit tombé mais un grand doute sur l’avenir». La France, depuis 2016, Paris puis Marseille où il se sent bien. Avec son associé, Mike Shnsho, architecte également (à gauche), qui est aussi un grand DJ syrien, ils ont d’abord investi des festivals en tant qu’ «artistes pauvres» pour construire des œuvres avec du matériel de récupération, notamment au Liban. C’est devenu leur signature. Le collectif, enrichi d’une dizaine d’artistes invité.es selon les commandes -comme Maryam Samaan, artiste palestinienne née en Syrie, recrutée sur le projet de Montpellier-, affiche un catalogue international prestigieux.
Le projet montpelliérain est né d’une rencontre aux Subsistances à Lyon avec Laurie Quersonnier qui assure, avec sa coopérative Créatrice.s Créature.s, la direction artistique de cette ZAT 2025. Dans ce haut lieu de la création artistique, UV LAB a réalisé un mémorable monstre marin en bois (Le Kraken, ci-dessous).
C’est ainsi que les deux architectes réfugiés se sont vu commander la première œuvre pérenne jamais réalisée à l’occasion d’une Zone artistique temporaire, qui, comme son nom l’indique, n’avait pas vocation à fixer des gestes durables. «Une volonté politique» souligne Laurie Quersonnier dans le cadre d’une rénovation urbaine très volontariste.
Sur place, dans l’atelier du Grand Mail, leur hôte est Jaafar Fanchi. Il les aide à animer ces ateliers «participatifs». Le jeune architecte est un des «kapseurs» du quartier. Il bénéficie d’un dispositif KAPS : un loyer modéré en échange de son investissement au sein d’un « Laboratoire urbain » et occupe aussi le poste de « crieur urbain » pour chasser les rumeurs autour des projets de la ville de Montpellier… Que de belles histoires à croiser dans cette ville dans la ville, abritant 23 000 habitants, dont la moitié a moins de 25 ans.
Avec Nezha Hamdi Alaoui, de l’association citoyenne Esprit Libre, autre activiste du quartier, il y a eu une rencontre décisive et inspirante pour UV LAB : très vite, il a été question du zellige. Cet objet-culte du patrimoine artisanal marocain. Une grande première pour les créatifs d’UV LAB qui se sont entourés d’experts et ont imaginé ce qu’ils appellent un «sanctuaire visuel». Une structure métallique de 9 étages, faisant 6,50 mètres de hauteur, constituée de 13 panneaux sur lesquels seront installés des milliers de zelliges. Depuis le mois de février, habitants et habitantes ont conçu leur propre zellige à partir d’une figure imposée : le triangle. Elle sera érigée dans la pinède de Saint-Paul, une clairière entourée de hauts pins, à laquelle on accède en prenant le chemin piétonnier qui monte à partir du parking des Halles des 4 Saisons.
La prouesse technologique, assistée par ordinateur, réside dans cette torsion particulière, cette élévation selon « des méthodes de conception paramétrique» aboutissant à «un motif en trois dimensions prenant la forme d’un hyperboloïde qui donne une nouvelle profondeur à l’art du zellige». Et produit un choc visuel entre tradition et design. Son nom : « Ensemble.s », faisant référence à l’altérité autant qu’aux grands ensembles. Pour célébrer, selon les mots de Khaled Alwarea, «l’héritage culturel et la responsabilité écologique». L’installation « transforme l’espace public en un symbole vivant de diversité et d’unité ».
À la base de la tour, on devait installer des «bancs paramétriques en spirale». Des bancs y seront mais dans une version simplifiée. «Symbole du renouveau du quartier», la sculpture commence à être installée la semaine prochaine pour une inauguration le 5 avril, pendant la ZAT 2025.
Le site de UV LAB, ici. Budget de l’œuvre : 70 000€.
Crédit photo @Aras OMAR sauf portrait des architectes @LOKKO.
LA ZAT 2025 à la Paillade : plus proche
Un piano sur le lac des Garrigues, un Battle de danses urbaines, un orchestre junior de musique arabo-andalouse, une compagnie internationale d’acrobates (XY), une exposition de photos des habitants (de Marielle Rossignol), un grand chœur sur Lève-toi de Barbara Pravi, des guinguettes gourmandes, du raï électrique avec Sofian Saidi, un four à pain construit par les habitantes, du tissage avec l’association de femmes du quartier Tin Hinan, des clowns : la ZAT 2025 conjugue grandes signatures des arts de la rue à la créativité d’un quartier aux 60 associations. Une ZAT ramassée sur 2 jours, le dimanche étant un jour de foot (mais des considérations financières ont aussi prévalu). Ce sera sans doute la dernière ZAT avant les élections municipales, celle de 2026 devant être empêchée par le calendrier électoral.
100 rendez-vous
– 24 spectacles (50 représentations)
– 7 expositions d’art visuel
– 5 projections cinématographiques
– 1 cycle de 5 rencontres thématiques
– 4 balades
– 1 espace ludique constitué d’un chapiteau de cirque, un parcours d’accrobranche, des cabanes à histoire, des jeux, des ateliers créatifs et des expériences sensorielles
– Une dizaine de guinguettes gourmandes
Vendredi 4 avril de 17h45 à 23h : parcours urbain (de la Maison pour tous Léo Lagrange au parking des Halles des 4 Saisons, sur le Grand Mail jusqu’à la Maison pour Tous Louis Feuillade).
Samedi 5 avril de 10h à 23h30 : parcours urbain et nature (parcours nature du parc Sophie Desmarets aux Hauts de Massane).
En savoir + sur le site de la ZAT, ici.