Du côté des ACI (auteurs-compositeurs-interprètes), Nicolas Larossi est avec Dimoné, feu Général Alcazar et les trop discrets Chris Gonzalès ou Julien Fortier, ce qui se fait de plus intéressant au plan local dans la chanson française. Son groupe iAROSS a lancé officiellement son nouvel album, jeudi dernier au JAM de Montpellier : Ce que nous sommes.
D’abord solo il y a 17 ans puis trio, avec Colin Vincent à la guitare du duo Muet dont LOKKO a parlé tout récemment, et le batteur et percussionniste Germain Lebot, auxquels ont succédé le guitariste John Owens du Naïma Quartet et Julien Grégoire à la batterie. Trio devenu quartet avec l’arrivée de Guillaume Gardey de Soos à la trompette qui apporte ses somptueux cuivres à la formation.
Un premier opus «Ventre» en 2012 avec la complicité de Jean-Philippe Rimbaud (ACI lui aussi à ses heures). Le combo ne tarde pas à être remarqué par l’Académie Charles Cros composée de critiques musicaux, réalisateurs en studios et animateurs de la vie culturelle. L’année suivante, ce sera : «Renverse» et 4 ans plus tard : «Le cri des fourmis». «Apnée» en 2023 et enfin «Ce que nous sommes», sorti le 28 février dernier sur le label stéphanois : «Le cri du charbon».
Sur cet album, composé de 10 trop courts morceaux selon nous –trop court aussi en certains endroits, on aurait aimé que certains instants se prolongent- iAROSS a invité d’autres univers et d’autres langues : Adi Smaali de Aywa (bien connu à Montpellier) pour l’arabe. Un superbe musicien d’origine marocaine qui a vécu une dizaine d’années sans papiers à Montpellier. Mais qui a pu bénéficier d’un vrai élan de solidarité. Une divagation autour de l’action dans « Tangue » : «Nous voyageurs égarés / Vagabonds de l’existence / Cherchant notre place dans chaque horizon / Errant de foyer en foyer / Sans trouver de chance sur notre chemin /Ceci est nitre sort, ceci est notre destin / Démunis».
Il y a aussi Carlo de Saco, chanteur et percussionniste du groupe Grèn Sémé autour d’étudiants réunionnais passionnés de maloya et de musique créole. Remarqué notamment l’an dernier sur les ondes de la radio nationale par Aline Afanoukoé dans sa chronique «Musicaline». (« Là où tout brûle »). «J’ai posé mes yeux là où tout brûle / Dans le silence de l’écran télé / Petits oiseaux blessés petits oiseaux / J’ai posé mes yeux là où tout brûle». Et pour l’occitan, trois des huit voix du groupe polyphonique «Barrut». Enfin toujours au plan des «guest», la chanteuse, assez remarquable, avec un large plan des possibles, Caroline Sentis.
Nicolas Larossi, toujours au chant (qui nous fait penser à Babx au plan de la gravité –un autre talent, lui aussi), assure la basse mais surtout le violoncelle, son instrument de prédilection. Il signe également les textes en faisant sonner les mots entre crépuscule et fraternité. «Nous sommes Tendresse à l’aube / A marée haute / Séisme du cœur / A Marée haute». Les musiques étant une œuvre collective.
Pour obtenir le son qu’il voulait, il a enregistré chez l’alchimiste Yoan Jauneaud dans son Studio KASBAH au Causse-de-la-Selle, qui a de très belles références notamment Piers Faccini (le plus cévenol des britanniques depuis Robert-Louis Stevenson).
Il faut franchir l’océan Atlantique et se rendre au Québec pour trouver auprès de Jordane (chanteuse et violoncelliste, elle aussi) quelque chose d’aussi original.
Plus intime que les autres productions du groupe, un disque au magnifique et mélancolique climat musical, au son très riche, qui «cherche le sol et les racines» entre rock discret et musiques d’autres mondes. Une belle maturité.
Ce que nous sommes, iAROSS, Le cri du charbon, par Inouïe Distribution. La pochette (très belle) est composée de tableaux de Jesse Reno.
Ceux qui étaient au concert du Jam ont pu apprécier la virtuosité des musiciens qui balisent les pistes poétiques ouvertes par Nicolas Iarossi.