45ème édition de Montpellier Danse du 21 juin au 5 juillet 2025, la dernière pour son directeur depuis 43 ans, Jean-Paul Montanari, désormais retiré et dont on connaîtra, en avril en principe, l’équipe qui lui succède. Ohad Naharin, Akram Kahn, Israel Galván, William Forsythe : quelques très grands noms de la danse mondiale ont répondu présents pour cette ultime édition mariant prestige et risque, chorégraphes stars et émergents. Avec un final sur la place de la Comédie avec Mourad Merzouki. Notre sélection.
Les grands fidèles
La Batsheva malgré tout
Toujours un événement la venue de la Batsheva, et toujours une très grande tension autour de ses spectacles. Bien avant qu’elle soit célébrée à Paris, Montpellier a accueilli et soutenu la compagnie israélienne avec une belle constance.
C’est une pièce culte qui est présentée : Anafaza, reprise en 2023 pour marquer son trentième anniversaire. Des «petites sculptures dans un grand espace», du tournoiement collectif au duo le plus suggestif : la pièce est un condensé du langage forgé par Ohad Naharin pour sa compagnie. Fluidité des torses, chutes radicales, le style Gaga. Une trentaine de danseurs sur scène accompagnés en live par 3 musiciens dont Ohad Naharin, lui-même, à la guitare et au chant.
Initialement programmée en 2024 à la Villette à Paris et à Montpellier Danse, la compagnie avait annulé les représentations «pour des raisons de sécurité des danseurs». En effet, en dépit de ses engagements à gauche et de la clarté de ses positions à l’égard de Nétanyahou, le chorégraphe Ohad Naharin et sa troupe sont régulièrement cibles d’appels au boycott. 21 et 22 juin, Opéra Berlioz. Photo Ascaf.
Akram Kahn, le désert du Kathak
Un autre monstre sacré de la scène internationale : le chorégraphe anglo-bengali Akram Kahn. Le Kathak encore et toujours. Tout au long de sa carrière, le chorégraphe et danseur n’a cessé d’explorer cette danse traditionnelle indienne qu’il a apprise à l’âge de 7 ans. Il a d’ailleurs figuré, à 13 ans, dans la mise en scène légendaire de Peter Brook, Le Mahâbhârata.
Cette nouvelle exploration, dans Thikra, se fait en collaboration avec une artiste saoudienne de renom, Manal AlDowayan, pour la création visuelle, les costumes et la scénographie. Quatorze danseuses sur scène, uniquement des femmes. Une première version a été chorégraphiée pour l’extérieur, dans les ruines du désert d’AlUla en Arabie-Saoudite. La seconde version, conçue pour les théâtres, sera présentée pour la première fois à Montpellier Danse 2025. 22, 23, 24 juin, Opéra Comédie. Photo Maxime Dos.
Israel Galván en matador jazzy
Leur duo, avec Akram Kahn, avait ébloui le festival en 2015. Le danseur de flamenco, très radical rénovateur du genre, danse sur les notes de Miles Davis et Gil Evans et son mythique Sketches of Spain, un album jazz révolutionnaire sur la pochette duquel on voit Miles Davis tentant de dompter un taureau d’arène armé de sa seule trompette. D’un matador à l’autre, Israel Galván réinterprète le mythe avec le compositeur, producteur et multi-instrumentiste new-yorkais, membre de longue date du groupe Steely Dan : Michael Leonhart. Six musiciens de haut niveau avec lui. 29, 30 juin, théâtre de l’Agora. Photo Rita Antonioli.
Le Nederlands Dans Theater pour une dystopie
« Nous vivons à l’ère de l’extinction. Pouvons-nous espérer donner un nom à ce que nous perdons ? Que signifie être témoin d’une violence dont nous sommes à la fois les auteurs et les victimes ? »
Figures in extinction est la totalité, sur 2h20mn, de la création, construite en 3 temps, des deux artistes réunis pour l’occasion : la canadienne Crystal Pite, chorégraphe associée au ballet néerlandais, et Simon McBurney, le metteur en scène britannique dont la pièce The Encounter, récit d’un voyageur solitaire en son binaural, avait marqué le Printemps des Comédiens 2016.
Leur démarche s’est appuyée sur une richesse et une diversité de sources surprenantes : du bruit de la fonte des glaces aux appels des climatosceptiques, des cours magistraux sur les neurosciences du cerveau au brouhaha cacophonique des influenceurs Instagram.
27 danseurs sur scène, un des grands formats de cette édition qui brave la morosité culturelle ambiante. 25, 26, 27 juin, Opéra Berlioz. Photo Rahi Rezvani.
Les amis de Forsythe
L’ancien patron, pendant 20 ans, du Francfort Ballet, a pris depuis des chemins de traverse, travaillant à des installations architecturales et des performances. Sous l’appellation «Friends of Forsythe», une communauté de danseurs et chorégraphes se réunit autour de Forsythe pour mettre en valeur «la multiplicité des origines et du langage des interprètes à travers leur communication physique sur scène». Il s’agit de Rauf «Rubberlegz» Yasit, danseur, chorégraphe, et artiste visuel allemand, vivant aux USA, Matt Luck, danseur et chorégraphe américain, l’albanais Brigel Gjoka, ancien danseur de la compagnie Forsythe, Julia Weiss, danseuse française de formation classique, et le JA Collectiv, un collectif américain très en vogue, qui mêle danse contemporaine, hip-hop, théâtre et vidéo (il s’est fait connaître en réalisant et chorégraphiant les clips du groupe half•alive, qui ont cumulé des millions de vues en ligne). 26, 27, 28, 29 juin au domaine d’O. Photo Bernadette Fink.
Les montpelliérains
Mathilde Monnier, le best-off
Elle a dirigé le Centre chorégraphique national de Montpellier, pendant 20 ans. Elle est chez elle à l’Agora où la plupart de ses pièces ont été créées dans un compagnonnage étroit avec Jean-Paul Montanari, aux premières loges de cette mémoire. Avec Territoires, Mathilde Monnier, qui a longtemps dirigé le vaisseau amiral de la danse qu’est le CND de Patin, désormais résidente à la Halle Tropisme, fait un replay sur son œuvre : «une collection de 30 ans de gestes» depuis Antigone en 1994. Pour une quinzaine de danseurs et danseuses. 29 juin dans l’Agora. Photo Léa Barbieri.
Nadia Beugré sur les traces de sa grand-mère
Elle a fait partie de ces chorégraphes «racisé.es» qui ont exploré les représentations des corps noirs. L’intrépide et fascinante danseuse et chorégraphe ivoirienne a fait son retour au village de ses aïeules, en particulier de la figure grand-maternelle, «une femme puissante et détentrice de savoirs qui protégeait la petite communauté». 25, 26, 27 juin, studio Bagouet à l’Agora. Photo Kader Lassina Touré.
Salia Sanou fait sa fugue
Toujours dans un avion, développant des collaborations régulières en qualité de chorégraphe ou d’interprète avec Boris Charmatz, Benjamin Millepied, Dimitri Chamblas, Mathilde Monnier ou le poète Abd al Malik, prix chorégraphie de la SACD en 2023, Salia Sanou est partout. Sous l’impulsion du chorégraphe burkinabé, six danseuses, venues des divers champs de la danse -contemporaine, jazz, africaine, hip-hop, ballet classique- évoluent sur L’Art de la fugue de J.S. Bach, mixée, pour la bande-son, à la musique électro de Marin Cardoze en dialogue avec la kora de Toumani Diabaté et le balafon de Ballaké Sissoko. 3, 4 juillet, théâtre de l’Agora. Photo Laurent Philippe.
Les émergents
Les oiseaux de Lenio Kaklea
Elle fait partie des candidats (team Nicolas Dubourg) à la direction de l’Agora : danseuse, chorégraphe, née à Athènes, résidant à Paris, Lenio Kaklea pratique une danse très contemporaine au croisement «du féminisme, de l’anthropologie, de l’écologie et de la critique sociale». Elle propose une pièce sur le thème des oiseaux, d’Aristophane à Hitchcock, pour laquelle elle a été accueillie en résidence de création à l’Agora. 30 juin, 1er juillet, La Vignette. Photo Marikel Lahana.
Amit Noy, sensation marseillaise
Natif de Nouvelle-Zélande, basé aujourd’hui à Marseille, avec sa compagnie Sumac, lauréat en 2022 de la bourse Pina Bausch, le jeune danseur propose un solo, Good Luck, «qui dépèce la danse folklorique jusqu’à sa désintégration». C’est sa première invitation à Montpellier Danse. 3, 4 juillet au Hangar. Photo Simon Courchel.
Cherish Menzo, sensation belge
Première fois aussi pour Cherish Menzo, née aux Pays-Bas, vivant entre Bruxelles et à Amsterdam : elle est l’une de ces nouvelles figures qui secouent la scène belge et internationale. Dans FRANK, avec ses 3 danseurs, la danseuse et chorégraphe interroge les archétypes de la femme noire sous le prisme de la domination blanche. Ses inspirations naviguent entre hip hop industriel et nostalgie du hip hop des années 1990 et 2000. Son univers a à voir aussi avec le rap et les mangas. 3, 4 juillet au domaine D’O. Photo Laetitia Abica.
En clôture
Merzouki sur la Comédie
En clôture de ce 45e festival, Mourad Merzouki, star du hip hop français, et chorégraphe adulé à Montpellier, s’empare de la place de la Comédie pour un grand spectacle en plein air, renouant avec les grands moments populaires du festival, notamment l’édition 1994 avec Maurice Béjart. Dans «Écho de rue», deux scènes seront installées sur la Comédie et occupées par 24 danseurs qui se feront face. 5 juillet, place de la Comédie (entrée libre). Photo à la Une Montpellier Danse.
Montpellier Danse, du 21 juin au 5 juillet. En savoir +.
Billetterie ouverte le 25 mars pour les détenteurs de la carte Agora, le 28 mars pour les autres.
Attention : le nom de Hofesh Schechter figure dans le programme : il s’agit de la transmission de son travail par un de ses danseurs, Bruno Guillore, à Epsedanse, l’école de Anne-Marie Porras, mais le chorégraphe ne sera pas présent au festival. Le 22 juin à Montpellier et ensuite dans divers lieux de la métropole. En savoir +.