Les lieux du centre-ville montpelliérain où l’on joue fort de la guitare électrique se raréfient. La Secret Place en périphérie résiste, et pratique, à l’inverse des prix parfois prohibitifs de certains festivals pour le commun des ouvriers, le prix libre (*). Sans pour autant déroger sur la qualité. Exemple, ce samedi 29 mars avec The Courettes, un duo composé de la brésilienne Flavia Couri, et du danois Martin Wild, à l’esprit garage-soul sixties explosif, encensé par le célèbre magazine Rolling Stone.
(*) Lire à ce sujet notre article : Culture, pour 50€, t’as plus rien
Couvre-feu musical
On entend de plus en plus, et à raison, des Mélomanes de Caravètes que le Montpellier musical sous-terrain se meurt : les caves où l’on pouvait autrefois jouer fort disparaissent comme peau de chagrin et les quelques lieux qui résistent sont dans l’obligation de trouver des subterfuges pour pouvoir encore proposer des musiques en live sans se faire plumer par un arrêté-couperet : baisser les décibels pour ne pas être repérés par les sonotones des environs, se payer un agent de sécurité mastoc pour faire déguerpir les clients à la sortie (ex : Le Salon des Indépendants), mettre la guitare électrique et la batterie au placard (ex : le Black Sheep, qui n’est plus autorisé à ouvrir sa salle de concert depuis plus de trois ans, est forcé de proposer seulement de l’acoustique dans sa salle du bar), couper le son avant que nos aïeuls aient pris leur tisane du soir (ex : la jam bimensuelle du Discopathe se termine à 22h pétantes)…
La Secret Place tient bon
Heureusement à la périphérie, à Saint-Jean-de-Vedas, dans la zone industrielle de la Lauze, il nous paraît primordial de le rappeler : on peut encore y faire du bruit sans offusquer un voisin pro-gentrification.
Malgré les promesses (électoralistes?) non tenues de sanctuarisation de la salle exprimées par certains élus à la suite d’une conférence de presse en plein Covid alors qu’elle était en grande difficulté (cf. itv pour le podcast J’irrai digger chez vous à la 69’52’’), la Secret Place tient bon. À renfort de bénévoles passionnés et dévoués, son tenancier François-Xavier Pinchon et son équipe de l’association Tout À Fond, ont une programmation digne d’un agenda de ministre punk (à la place de Retailleau, on vote mille fois pour).
100 dates par an
Prenons pour exemple, ce mois de mars et quelques uns des rendez-vous éclectiques qui furent planifiés : du tribute Linkin Park le 7, du rap metal belge le 8, du femal soul gospel le 13, du trash metal toulonnais le 21, le légendaire groupe britannique de rhythm & blues Dr. Feelgood le 22… Les mois se suivent et ne ressemblent jamais. Plus de cent dates programmées par an.
Un repère de tatoués qui doit en grande partie sa fragile préservation à son public qui, paradoxe, fait parfois plus de route pour y venir que celles et ceux habitant à cinq minutes à vol d’oiseau se plaignant pourtant qu’il ne se passe rien ou presque autour d’eux.
Le prix libre, un modèle alternatif
L’accès serait-il trop compliqué quand on vit dans l’Écusson et qu’on est habitué à se ravitailler en rouleaux de papier toilette à 2h du matin à l’épicerie du coin de la rue ? Certainement. Mais bon sang, un brin de motiv, un chouïa d’orga, un covoit négocié après deux trois échanges sur votre messagerie préférée ou une petite envie de marche nordique recommandée par les autorités de santé (l’arrêt de tram le plus proche est à seulement 20 minutes à pied) et vous vous retrouvez dans le temple des rocks que nombres de bikers, de teddy boys, de mods, et autres ex-soixante-huitards et de leurs progénitures à crêtes ou à cheveux longs, de toute l’Europe, nous envient.
Et qui, cerise sur le gâteau, pratique régulièrement le prix libre. Un modèle économique alternatif à caractère social que l’on devrait s’empresser d’honorer plutôt que le bouder et un jour peut-être, malheureusement, le pleurer. Et attention, pour celles et ceux qui auraient le tort de ne toujours pas y être allés : ce modèle n’est aucunement synonyme de groupes de bas étage. Mais au contraire de formations qui souvent dégomment. En marge.
« Je ne peux pas imaginer ma platine sans The Courettes »
Pour preuve, pour terminer ce mois de mars pluvieux en beauté, ce samedi 29, viennent pour la première fois The Courettes. Composé de Flavia Couri et Martin Wild, couple à la ville, à la guitare et au chant sur scène pour elle, à la batterie pour lui, ce duo dano-brésilien est plébiscité par le célèbre magazine Rolling Stone. Son rédacteur en chef David Fricke déclara à leur sujet “Can’t imagine my turntable without The Courettes” (ndlr : je ne peux pas imaginer ma platine sans The Courettes »).
Réputés pour être perpétuellement en quête du Wall of Sound de Phil Spector, le Wagner des productions rock sixties qu’ils adulent pour sa créativité et détestent pour sa vie privée (un énième auteur de féminicide), ils explorent également le son Motown sur leur dernier disque en date The Soul Of … The Fabulous Courettes paru fin 2024.
Un revival garage et soul
Un quatrième album dont la pochette monochrome est signée du photographe Søren Solkær, connu pour avoir immortalisé Amy Winehouse, The White Stripes et Paul McCartney. Excusez du peu. Leur univers est un revival qui, certes, n’invente rien mais qu’ils font terriblement bien. Un voyage quali dans les années phares du garage et de la soul cuivrée qui justifie largement de sortir son tacot, profiter d’un plage arrière, réhabiliter l’autostop (prendre un Uber si vous préférez sans vergogne être libéral) ou faire vivre un tant soit peu son podomètre.
Une distance qui, peu importe où vous créchiez, serait quoiqu’il en soit anecdotique comparée à celle parcourue par The Courettes en dix ans d’existence. On leur compte plus de 800 concerts donnés à travers le Vieux Continent, aux États-Unis, et au Japon. Saint-Jean de Védas sera désormais un nouveau nom à indiquer sur leur planisphère des place to be.
The Courettes, samedi 29 mars, à la Secret Place, à partir de 19h (ouvertures des portes et du food-truck). En savoir +.