Printemps des Comédiens 2025 : une belle édition de crise

Raccourci d’une semaine, en proie à une crise financière sévère, le Printemps des Comédiens présente du 30 mai au 13 juin une édition prudente. 2 jours en mai, 12 jours en juin contre 3 semaines auparavant. Seulement 3 grandes productions au domaine d’O dont une seule à l’amphi d’O. Une «année charnière» qui aligne toutefois des noms accrocheurs à son générique : le chorégraphe Alain Platel, les metteurs.es en scène Julie Deliquet, Nathalie Garraud (avec Olivier Saccomano), Julien Gosselin, Pauline Bureau. La grande sensation de cette édition étant la venue de William Kentridge, immense artiste sud-africain avec les marionnettes de la Handspring Puppet Company.

Difficile d’y voir clair. Une directrice déléguée qui a claqué la porte, un cabinet de gestion à sa place qui redresse les comptes, un déficit important sur lesquelles les tutelles ont réclamé des précisions, un EPCC qui accouche dans la douleur, fusionnant le domaine d’O et le festival, un directeur, Jean Varela, en funambule : le Printemps des Comédiens vit des heures compliquées. Cette édition de crise est aussi un signe que l’heure de la rigueur a sonné pour le deuxième festival de théâtre après Avignon qui a fait selon ses moyens, et pas au-dessus. On verra seulement 3 grandes productions au domaine d’O -dont une seule à l’amphi d’O- : Coup fatal, La guerre n’a pas un visage de femme, et Musée Duras. Pour Faustus in Africa ! de William Kentridge, donné à l’Opéra-Comédie, la Cité européenne du théâtre (nouveau nom du complexe théâtral du domaine d’O) figure dans un pool de producteurs européens, signe que cette capacité de production a été préservée. Difficile de voir si une ligne se distingue dans cette programmation de crise, si ce n’est que deux des principales propositions ont à voir avec l’Afrique (Coup fatal et Faustus in Africa !) et que s’y déploient des portraits de femmes portés par une nouvelle génération (La guerre n’a pas un visage de femme, Sous les paupières, Les bijoux de pacotille).

Notre sélection.

Ouverture musicale entre Afrique et baroque

Ce grand spectacle qui ouvre le Printemps des Comédiens a fait le tour de l’Europe. Coup fatal réunit le chorégraphe belge Alain Platel, le saxophoniste Fabrizio Cassol, un guitariste et chef d’orchestre congolais, Rodriguez Vangama. Une pièce musicale à l’énergie contagieuse, dans laquelle 13 musiciens, et des «dandy-danseurs» pour la plupart originaires de la République démocratique du Congo, s’emparent du répertoire baroque mêlant les ombres de Nina Simone et Henry Purcell. Une ouverture surprenante tant on avait l’habitude de grands morceaux de bravoure théâtraux mais so excitante (photo).

Du 30 mai au 1er juin au domaine d’O. En savoir +

La création politique d’Olivier Saccomano et Nathalie Garraud

C’est la toute dernière création du couple qui dirige le Centre dramatique national de Montpellier, lui écrivain, elle à la mise en scène : Olivier Saccomano et Nathalie Garraud. «Sous-tendue par des recherches fouillées du côté de de penseurs tels que Grégoire Chamayou, Mark Fisher, Annie Le Brun ou Frederic Jameson», une «fantaisie anthropologique» portée par sept actrices et acteurs, pour la plupart de la Troupe Associée des 13 vents, qui préfère les «chemins de traverse surréalistes, inventifs et burlesques, ouverts aux imaginaires» au rouleau compresseur du capitalisme (photo).

Du 30 mai au 7 juin au CDN des 13 Vents. En savoir +.

La guerre des femmes

La guerre n’a pas un visage de femme : 10 femmes sur scène pour témoigner de la condition des femmes de l’après-guerre soviétique dans un appartement communautaire. Ces femmes que Staline a envoyées adolescentes au front quand l’armée de Hitler était aux portes de Moscou et dont Svetlana Alexievitch, prix Nobel de littérature, a recueilli la parole. Du théâtre féministe comme on aime en voir au Printemps des Comédiens, par Julie Deliquet, directrice du Centre dramatique national de Saint-Denis, une des metteuses en scène les plus engagées et les plus intéressantes de la nouvelle scène théâtrale.

Du 30 mai au 1er juin au domaine d’O. En savoir +.

Le stand up théâtral de Lou Chauvain

« Sous les paupières » : une forme plus expérimentale, plus fragile au Hangar. Pour son premier seule-en-scène, la montpelliéraine Lou Chauvain évolue sur le fil d’une vie passée entre théâtre, stand-up et chanson. Une auto-fiction sur scène. Une production du Centquatre à Paris, créée au Printemps des Comédiens.

Les 3 et 4 juin au Hangar. En savoir +.

Faustus in Africa ! : une première en France

Un temps fort assurément : la venue, pour la première fois dans le festival montpelliérain, de l’artiste, sculpteur et concepteur de dessins d’animation sud-africain William Kentridge, auquel le festival d’Avignon a confié son visuel cette année, et la compagnie également sud-africaine de théâtre de marionnettes contemporain Handspring Puppet Company. La reprise d’une production de 1995 qui déploie «une version du pacte avec le Diable en plein cœur de l’Afrique, au fil d’un safari haut en couleurs et riche en musique». Nourrie par un engagement profond contre l’apartheid, la pièce mettait en scène un Faust en safari pillant les richesses de l’Afrique et de ses habitants dans sa quête de savoir et de pouvoir. Trente ans plus tard, Kentridge en propose une version actualisée, évoquant la fièvre extractrice et la politique dominante dans l’actuelle Afrique du Sud comme dans le monde entier. Sur scène, des acteurs en chair et en os, des marionnettes à tige et un film d’animation. Présentée tout juste avant au Kunstenfestivaldesarts de Bruxelles, cette pièce est jouée pour la première fois en France (photo à la UNE).

Du 5 au 7 juin à l’Opéra-Comédie. En savoir +.

La feria de David Ayala

C’est un acteur, formé au conservatoire de Montpellier, étonnant, puissant, qui tourne beaucoup. On l’a vu en rude villageois dans Miséricorde de Alain Guiraudie, ou dans le film actuellement à l’affiche : Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan de Ken Scott. Au Printemps des Comédiens, il joue, en solo, le père torero du journal de l’afición du metteur en scène Jean-Baptiste Tur dont la compagnie le Grand Cerf Bleu est implantée à Béziers dans l’Hérault.

Au Hangar, du 6 au 8 juin. En savoir +.

Duras par Julien Gosselin

L’autre grand temps fort : après Extinction créé en 2023 au Printemps des Comédiens, qui avait démarré par une scène transformée en dancefloor, Julien Gosselin propose un « musée » dédié à Marguerite Duras : une «visite virtuelle d’un espace mental, visuel et vivant, parcouru de performances à découvrir isolément ou en continuum». Plusieurs séances prévues chaque jour du matin au soir dans ce musée que chaque spectateur peut visiter selon la durée qu’il souhaite. Il y aura un musicien en live et des chefs-opérateurs caméra au poing «qui donneront à entendre ou à voir, assis, debout ou allongé, des extraits de Hiroshima mon amour, L’Homme assis dans le couloir, Savannah Bay, L’Amant, Suzanna Andler, La Maladie de la mort, L’Exposition de la peinture, La Douleur, L’Homme atlantique, etc». Avec la participation d’une quinzaine d’élèves de la promotion 2025 du Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris (photo).

Les 7 et 8 juin au domaine d’O. En savoir +.

D’après Anne Dufourmantelle

Adaptés des œuvres Éloge du risque, En cas d’amour, Puissance de la douceur de la philosophe Anne Dufourmantelle qui nous a tous touché.es à un moment ou à un autre : La Nuit pour voir réunit une comédienne (Stéphanie Marc), une circassienne et un DJ au plateau, dans une mise en scène de Quentin Vigier.

Les 10 et 11 juin au Hangar. En savoir +.

Mémoire d’enfance par Pauline Bureau

Molière 2022 de l’autrice francophone vivante pour Féminines, Molière 2024 de la création visuelle et sonore et du Jeune public pour Neige, la très bankable Pauline Bureau -sollicitée à la fois par la Comédie française et le Théâtre national de la Colline-, a mis en scène Les bijoux de pacotille de Céline Milliat-Baumgartner, autrice et seule en scène, qui travaille son propre récit d’enfance, singulièrement la mort de ses parents dans un accident de voiture. Beau succès de la critique et du public (photo).

A Saint-Gély-du-Fesc, les 11 et 12 juin. En savoir +.

Du cirque enfin avec les quatre artistes circassiens de Bêtes de Foire dont le Petit théâtre de gestes, a été joué 700 fois à travers l’Europe, ici évoluant dans une friperie + Chicane à l’horizon du Centre des arts du cirque Balthazar à Montpellier. Et Marie Molliens (photo), habituée du festival. La beauté plastique de ces spectacles est toujours marquante. Ici, avec une dizaine d’acrobates-pantins.

Dans la métropole : une tournée avec Molière et ses masques, le Molière original des tréteaux, proposé par Simon Falguières.

 

La programmation du Printemps des Comédiens est en ligne, ici

(*) 5 spectacles au domaine d’O, 1 à l’Opéra-Comédie, 4 au Hangar, 1 au CDN des 13 Vents, 1 à la Bulle bleue, 1 à Grabels, 1 à Saint-Gély-du-Fesc + une petite tournée dans la métropole.

Crédit photos dans l’ordre : Fiona McPherson, Zoé Aubry, Jean-Louis Fernandez, Pascale Fournier, Antoine Vincens de Tapol, Nathalie Sapin, Simon Gosselin, Rio Ichii.

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