C’est DOMINIQUE HERVIEU, faisant équipe avec HOFESH SCHECHTER et JANN GALLOIS, avec PIERRE MARTINEZ à l’administration, qui a été nommée à la direction de l’Agora, Cité internationale de la danse regroupant désormais Montpellier Danse et le Centre chorégraphique national. Longtemps, Nicolas Dubourg, l’actuel directeur du théâtre La Vignette, a fait figure de favori. Mais devant un jury, ce 9 avril, une présentation «brillante et joyeuse» de l’équipe la plus prestigieuse, a fait l’unanimité. Portant un projet « audacieux et inclusif » d’une « Agora de toutes les danses ».
« Pour le milieu de la danse, aucun suspense » a écrit Libération. En fait, il était devenu plus difficile de dire qui l’emporterait ce 9 avril. Depuis des mois, la rumeur donnait Nicolas Dubourg gagnant mais les choses s’étaient bien nuancées dans les dernières semaines. Et c’est au finish, lors d’un oral où son équipe, unie, a excellé dans une présentation «brillante, joyeuse et parfaitement collective», selon une source, que Dominique Hervieu l’a emporté. Le Maire de Montpellier a été lui aussi bluffé.
C’est avec un bataillon d’élite que la danseuse-chorégraphe qui a dirigé de grandes institutions, s’est présentée à la direction de l’Agora, composé de 3 autres personnes capées. Dans son dossier de candidature, elle avait indiqué vouloir développer une « Agora de toutes les danses » dans un esprit « audacieux et inclusif ». Répondant à l’envie d’ouverture de la forteresse (exprimée ici dans LOKKO.)
DOMINIQUE HERVIEU est une éminente figure de la danse en France. Elle a été directrice du Théâtre de Chaillot, à Paris, de 2008 à 2011, puis de la Maison de la danse de Lyon et de son prestigieux festival, puis directrice de la culture de Paris 2024. L’Olympiade culturelle, qu’elle a pilotée durant les JO, s’est déployée à travers plus de 2 000 rendez-vous artistiques dans 750 villes de France.
Avec elle, l’un des plus grands chorégraphes contemporains HOFESH SCHETCHER, depuis 25 ans à Londres. Il est l’un des chorégraphes étrangers les plus fêtés en France. Il était à l’affiche du film En corps de Cédric Klapish où il joue son propre rôle. Parmi ses chorégraphie notables, à l’énergie brute, figurent Uprising, Political Mother et Grand Finale. Il était récemment à l’affiche du théâtre de la Ville avec From England with Love et sera cet été programmé à l’Opéra de Paris.
Hofesh Schechter implantera sa compagnie Junior, Schechter 2, à Montpellier. «C’est un projet qui va remettre au centre l’Agora, et créer un éco-sytème où toutes les missions seront liées : l’accueil studio d’artistes en résidence, connecté à la programmation de spectacles, et la formation de danseurs et chorégraphes à travers Exerce pour lesquels la compagnie Hofesh 2 servira de compagnie d’insertion. Cela créera une plateforme d’une quarantaine d’étudiants qui vont s’enrichir les uns les autres, et se nourrir d’une pluralité de démarches chorégraphiques», a expliqué Dominique Hervieu au Figaro.
Dominique Hervieu a aussi embarqué une proche. Venue du hip hop, la chorégraphe JANN GALLOIS a été artiste associée dans les maisons que Hervieu a dirigé, à Paris et Lyon. En juillet 2022, on avait vu l’impressionnant Just your shadow avec le célèbre duo d’arts visuels Adrien M & Claire B au Festival d’Avignon. Une femme-orchestre, une chorégraphe pluridisciplinaire entre danse contemporaine et acrobatie, spécialement inventive.
Et avec ces artistes : PIERRE MARTINEZ, un des meilleurs administrateurs de la danse en France, spécialisé dans la transition de grandes structures : Maison de la danse de Lyon, Centre chorégraphique national du Havre, de la Rochelle, Centre national de danse contemporaine d’Angers.
Un profil utile pour cette grande maison qui voit fusionner deux entités distinctes jusqu’ici : le Centre chorégraphique national de Montpellier et Montpellier Danse dont les 2 directeurs, Christian Rizzo, et l’historique Jean-Paul Montanari, sont partis au même moment, l’an dernier.
Unique en France
Une énorme structure, qui disposera d’un budget annuel de près de 6 millions d’euros (3,6 millions d’euros de budget pour Montpellier Danse, 2,1 millions pour le CCN). 7000m2 exclusivement dédiés à la danse, un théâtre de plein air de 600 places, 8 studios, une majestueuse cour intérieure. 29 salariés permanents.
Face à ce redoutable quatuor, les 3 autres candidats de la short-list paraissaient plus fragiles. En particulier, Nicolas Dubourg, directeur du théâtre universitaire de la Vignette à Montpellier, associé à la jeune danseuse et chorégraphe grecque LENIO KAKLEA, très au format de la danse contemporaine française et le danseur et chorégraphe indépendant israélien ARKADI ZAIDES. Tous deux relativement peu connus. La présence de ce chorégraphe, associé actuellement à Montpellier Danse, indiquait-elle que cette candidature était soutenue par Jean-Paul Montanari ? Nicolas Dubourg le laissait entendre mais Jean-Paul Montanari, lui-même, s’est positionné en faveur de la candidature Hervieu/Schechter/Gallois/Martinez.
Sans démériter, les 2 autres candidatures avaient encore moins de chance :
–NACERA BELAZA, la chorégraphe algérienne souvent vue à Montpellier Danse était associée dans une candidature très méditerranéenne à GAETAN PELLAN, actuel directeur de l’Institut français de Casablanca, et au très coté dramaturge flamand JAN GOSSENS, qui a dirigé le festival de Marseille plusieurs années jusqu’en 2022. Un triplé qui avait de l’allure, et aurait pu avoir sa chance -cela arrive parfois dans ce type de recrutement- en cas de difficulté à départager les deux premiers.
– Enfin la chorégraphe américaine, vivant entre la France et le Royaume-Uni, ANNIE HANAUER se présentait avec EMANUELE MASI, il y a peu directeur du Festival Bolzano Danza.
« Quelque chose qui nous emporte »
D’emblée, Nicolas Dubourg avait fait la course en tête. Il se disait (peut-être un peu trop) soutenu par Michaël Delafosse dont la voix est prépondérante car à la tête de la collectivité majoritaire en terme d’aides publiques, devant l’Etat et la région Occitanie. Très tôt parti en campagne, son assurance avait découragé quelques candidats. Notamment Dimitri Chamblas, le franco-américain, qui a des attaches à Montpellier et rêvait d’en être. Quand Nicolas Dubourg avait démissionné de la présidence du Syndeac (puissant syndicat du spectacle vivant), en novembre 2024, pour se consacrer à sa candidature, le monde de la danse pensait que c’était plié. D’où le nombre anormalement faible de candidats (9) pour une des plus grandes maisons européennes de la danse.
Partout, on sentait une incompréhension. Nicolas Dubourg vient du théâtre. Et lui est ensuite attaché l’échec de la candidature de Montpellier comme Capitale européenne de la culture, qu’il a portée et incarnée. A Montpellier, les plus avisés avaient brandi le spectre de la nomination houleuse de Numa Hambursin, proche, intime du Maire, à la direction du MOCO. Michaël Delafosse, dont on perçoit une forme de souverainisme montpelliérain dans ses nominations culturelles, s’apprêtait-il à rejouer le coup du MOCO ? On le disait «sphynx», peu éloquent sur le sujet. Lors de la conférence de presse du festival de danse, récemment, à la question de LOKKO sur le profil idéal du ou de la candidate à l’Agora, il s’était montré assez énigmatique. Il avait dit vouloir «quelque chose qui nous emporte». Grosse pression, gros enjeu : il s’agit d’écrire le futur de la discipline-reine de la culture à Montpellier, par laquelle tout a commencé. Un acte majeur de la succession pour cet héritier de Georges Frêche.
Montpellier versus l’état ?
Un homme a sans doute joué un rôle, Christopher Miles. A la tête de la Direction générale de la création artistique (DGCA) du ministère de la Culture, le patron de l’ombre de la rue de Valois, qui «peut être rude et glaçant» selon un acteur de ce dossier, voulait Dominique Hervieu. Et «sa» ministre, Rachida Dati, aussi. A ses interlocuteurs montpelliérains, lors de ses déplacements à Montpellier, il se disait décidé à mettre en balance les contributions importantes de l’Etat en matière de culture.
Lors de l’audition récente du CRAEM, le Collectif Régional des Artistes En Mouvement, réunissant 77 professionnels de la danse pour peser, Nicolas Dubourg avait paru «pas du tout triomphant». Du côté de la région aussi, la préférence allait clairement à la candidature de Hervieu, si l’on en croit les déclarations publiques enthousiastes de la présidente du CCN (avant fusion), Josiane Collerais. « Mais le principal ennemi de Dubourg fut Dubourg lui-même » ironise une personne très au fait du dossier.
Un communiqué de presse a précisé que l’équipe retenue avait «emporté l’adhésion unanime du jury par son enthousiasme communicatif». C’était, bien avant le jury, la seule candidature qui avait véritablement suscité du désir. Une nomination accueillie à Montpellier avec une certaine joie, notamment par le personnel de l’Agora.