Appuyée sur ses méthodes développées pour l’accès de personnes en situation de handicap à une activité artistique, La Bulle bleue, unique ESAT du sud de la France spécialisé dans le théâtre, lance un « Centre de formation inclusif au métier d’acteur ». Une formation ouverte à tous, en situation de handicap ou non, sans équivalent en France. Une première session -«L’art de l’acteur·ice. Explorer des mondes»- a été organisée du 10 mars au 4 avril. 

Petite incise sur «inclusif». Autrefois, ce mot s’opposait à «exclusif». Aujourd’hui, il signifie aussi, dit le Larousse, «qui intègre une personne ou un groupe en mettant fin à leur exclusion».  La Bulle bleue inscrit cette initiative en droite ligne de sa raison d’être d’ESAT -Etablissement et service d’accompagnement par le travail pour personnes en situation de handicap- tournée vers le théâtre  Sur 1 400 ESAT en France, seuls une quinzaine sont consacrés aux métiers de la culture. Avec cette orientation, la Bulle bleue, campée depuis 2012 sur les hauteurs du quartier de la Martelle, a conquis sa place particulière dans l’offre de théâtre de qualité à Montpellier.

Anne Bautz, directrice adjointe de La Bulle bleue depuis janvier explique : «Comme nos partenaires français et européens, nous avons constaté le manque d’accès aux formations d’artistes en situation de handicap. Nous avons décidé de prendre le taureau par les cornes et de proposer quatre sessions de formation, sur deux ans. C’est une manière de formaliser et de partager notre expertise de pratiques pédagogiques inclusives, construite depuis douze ans. C’est aussi une façon de faire rayonner La Bulle bleue : à terme, les personnes formées seront recrutées par d’autres structures.»

Un ‘’laboratoire-école’’

Forte de sa légitimité, La Bulle bleue a posé les principes fondateurs de cette initiative : «Nous partons du principe que la marge nourrit la norme et la transforme. Nous voulons être un ‘’laboratoire-école’’, lieu à la fois d’enseignement, de recherche et d’expérimentation. Notre démarche reconnaît le potentiel et les capacités de chaque stagiaire. Elle l’accompagne dans la définition de sa propre approche artistique et sa projection dans son avenir professionnel.» La Bulle bleue s’appuie sur ses partenaires en formation professionnelle : la Cité des Arts, l’Ecole supérieure d’art dramatique de Saint-Etienne, l’université Paul Valéry, le laboratoire CNRS des sciences du langage Praxiling, l’Opéra et l’Orchestre national de Montpellier.

Du 10 mars au 4 avril, la première session a été suivie par onze personnes, pour la plupart touchées par un handicap mental. Elles ont été sélectionnées parmi vingt candidatures, non limitées en âge ni réservées à des personnes handicapées et ont bénéficié d’un prix porté de 2 200 à 1 200€, grâce au soutien de la fondation Orange. Intitulée «L’art de l’acteur-ice. Explore des mondes», cette première étape de la nouvelle voie ouverte par La Bulle bleue avait pour objectifs la découverte de soi-même, le développement de ses propres outils de créativité et l’acquisition de son autonomie, en favorisant ainsi à la fois son émancipation personnelle et son intégration professionnelle. 

Sur quatre semaines, le programme a comporté 138 heures de formation, dont 103 pour le module «Laboratoire théâtral». Il a été conduit par Marion Coutarel, actrice, metteuse en scène, fondatrice du Théâtre de La Remise et directrice artistique de l’ensemble de la formation. Première artiste associée de La Bulle bleue, de 2012 à 2015, elle conjugue cette connaissance intime avec sa compétence de formatrice, notamment pour le master Arts de la scène et spectacle vivant-Parcours Création, à l’université Paul Valéry. Elle a été accompagnée par Alexey Khaziilev, cordinateur pédagogique de cette première session et membre de l’équipe de La Bulle bleue.

Chaque stagiaire « porteur de sa vie »

Marion Coutarel formule ainsi l’objectif : «Il s’agissait de trouver un langage commun en prenant en compte les spécificités de chacune et chacun, de travailler sur les failles, les blocages, afin de dépasser les limites, de trouver un état de disponibilité physique et mentale. Lors de la restitution publique, il fallait, non pas aboutir à un résultat, mais engager un processus créatif et embarquer les spectateurs dans ce mouvement. L’enjeu de l’autonomie a été posé par l’acquisition des outils de concentration, de schéma corporel, de mémorisation, d’appropriation du texte.» Elle précise : «Chaque stagiaire a été porteur de sa vie, de sa flamme».

En sus de ce volet principal de la formation ont aussi été traitées diverses pratiques, théâtrales (Michel Hallouin, acteur, danseur, dramaturge et metteur en scène), vocales (Jean-Philippe Ellouël, chanteur baryton), corporelles (Brigitte Nego, chorégraphe et danseuse). Ces formations ont été complétées par celles sur l’intégration professionnelle. Elles ont assurées par six salariés de La Bulle bleue : Lucille Boholo et Audrey Prolhac, éducatrices spécialisées (le coaching de l’acteur), Laurie Martin, en charge de la production et de la diffusion, et Stéphanie Teillais-Blandampour, chargée de la communication (l’écosystème du spectacle vivant), Mélaine Blot et Steve Frick, l’un et l’autre comédiens (le training). Animé par Maud Verdier, enseignante-chercheuse en sciences du langage (Université Paul Valéry, laboratoires CNRS Praxiling), un séminaire de conclusion, «Recherches participatives», a été conçu pour favoriser l’inclusion professionnelle. La Bulle bleue reste aux côtés des stagiaires dans l’élaboration et la mise en œuvre de leur projet, se positionnant ainsi en centre de ressources «art et handicap».

La magie du groupe

Peut-on tirer quelques conclusions de cette première session ? D’abord, un bon signe : aucun stagiaire n’a décroché en cours de route. Le bilan de Marion Coutarel, avec sa vue d’ensemble : «Au départ, le rapport à autrui était difficile pour certains stagiaires. Les pratiques et les outils, fondés sur le savoir-faire de La Bulle bleue, ont permis d’avancer. La confiance est très vite arrivée. En fait, j’ai travaillé comme avec mes étudiants à la fac. Et il y a eu la magie du groupe qui a porté chacune et chacun des stagiaires et les a conduits à se mobiliser, à se transcender.»

La deuxième session est programmée du 3 au 29 novembre prochain et sera consacrée à «L’art de l’acteur-ice. Le corps comme terrain de jeu». Elle devrait permettre  -on peut le souhaiter- de confirmer la «fabrique artistique» qu’est, davantage encore, La Bulle bleue avec son centre de formation inclusif, ouvert à de nouveaux talents.

Centre de formation inclusif au métier d’acteur, ici. Photos crédit Bulle Bleue

Contact à La Bulle Bleue : Alexey Khaziiev, mediation.labullebleue@adpep34.org / 06 17 48 34 18 /